Près de quarante ans après l’indépendance de l’Algérie, dans un entretien publié dans le Monde le 23 novembre 2000, le général Paul Aussaresses dévoilait les méthodes avec lesquelles l’armée française a combattu les militants pour l’indépendance : escadrons de la mort, tortures, exécutions sommaires….
Des révélations qui susciterons révolte et dégoût, mais qui auront un retentissement majeur sur l’affaire de la torture en Algérie.
Ancien officier de la seconde guerre mondiale, et de la guerre d’Indochine Paul Aussaresses fut rappelé en pleine bataille d’Alger par le général Massu, en janvier 1957. Il avait pour mission : coordonner les services de renseignement de l’armée française avec pour objectif, démanteler les réseaux FLN, et mettre fin à la vague d’attentats dans la capitale.
Les confessions du général tortionnaire
Le vieux général à l’œil bandé avoue « sans regrets ni remord » avoir torturé des militants du FLN : « je me suis résolu à la torture… J’ai moi-même procédé à des exécutions sommaires… ». Il avoue la torture à grande échelle, les exécutions sommaires, ainsi que la complicité du pouvoir politique.
En France et en Algérie, c’est la stupeur… Des aveux qui font froid dans le dos ! Bien que personne n’était dupe quand à sa pratique, la torture demeurait un sujet tabou, et ces confessions ouvraient le champ de tous les possibles quant à la reconnaissance officielle par la France. Aussaresses confirme ainsi la disparition de plus de 3000 militants « oui, cela doit correspondre à peu près à la réalité. » répond-t-il à Florence Beaugé, journaliste du quotidien français Le Monde, avant de reconnaitre avoir tué des hommes haut placé du FLN : « il m’est arrivé de capturer des types haut placés au sein du FLN et de me dire, celui-là est dangereux pour nous, il faut le tuer« »Ou encore « « on a ramassé untel« , on le tuera demain » », avouant ainsi, des propos qu’il tenait à son chef, le général Massu.
A la question si Robert Lacoste, alors ministre-résident en Algérie, donc représentant du pouvoir politique, était au courant, le général Aussaresses répond sans détours : « il était parfaitement au courant ».
Pour Paul, qui admet également avoir tué, lui-même, plusieurs combattants : « j’en ai tué 24. », la torture était indispensable : « si c’était à refaire, ça m’emmerderait, mais je referais la même chose car je ne crois pas qu’on puisse faire autrement ».
Par ailleurs, il évoque la visite de parlementaires venus s’enquérir sur le terrain, des cas de tortures dénoncés par la presse. Ils furent reçus par un officier du renseignement qui dépendait du général Aussaresses, «un colonel malin, qui avait été prévenu de leur visite », et qui était justement en train d’interroger un militant algérien. Aux questions «qu’en est-il de la torture ?» et «comment procédez-vous ? L’officier leur répond « eh bien, vous voyez, j’étais justement en train d’interroger un prisonnier. » et pour arriver à des aveux, il dit avoir recours uniquement à la foie des détenus « je le fais jurer sur le Coran ! ». A ce moment-là,on entendait l’otage algérien hurler : «Sur un Coran électrique, oui ! »…
Au sujet de l’assassinat de Maurice Audin, le général nie toute implication en disculpant même le lieutenant Charbonnier de se forfait en disant d’abord : « je ne sais rien pour ce qui est de Maurice Audin. Vraiment rien. » Et il ajoute, en concluant l’entretien avec la journaliste : « le lieutenant Charbonnier n’y était pour rien, c’est tout ce que je peux vous dire. » Laissant entendre par là, qu’il savait quelque chose mais qu’il ne voulait pas aborder le sujet…
Des aveux aux lourdes conséquences
En brisant la loi du silence à propos de la torture en Algérie, Paul Aussaresses s’est mis à dos sa toute famille. Ses filles le renient, l’une d’elles refuse même de porter son nom. Son épouse ne quittera plus son lit, et meurt quelques mois plus tard.
En avouant la vérité, le général a provoqué une vague d’indignation, surtout au sein de l’armée. En 2005, le président Jacques Chirac le fait dégrader de sa Légion d’honneur, qu’il avait reçue pour avoir été reconnu « héros de la France libre », et sera poursuivi par la justice française pour « apologie de la torture ».
Aussaresses se retrouve puni et condamné de tous les côtés non pour les crimes qu’il avait commis, mais pour les vérités qu’il a révélées.
Pourtant, le général tortionnaire « sans remords, ni regrets » de la guerre d’Algérie n’avait pas divulgué tous ses secrets… Sur son lit de mort il se décide à passer une dernière fois aux aveux sur la mort de Maurice Audin « la vérité, c’est qu’on a tué Audin »… Paul Aussaresses meurt le 3 décembre 2013 à l’âge de 95 ans.
Rym Maiz
Sources :
Hamid Bousselhoum, « Quand la France torturait en Algérie, 2001, Anep
Florences Beaugeaugé, Le Monde, 22 novembre 2000
Mémoria DZ
1 Comment
Politiquement, c’est innommable, abject, crapuleux…
Mais j’aurais fait parler Dutroux, sans remords ni conscience…