Parution : Contes berbères et arabes
Tout retour au passé implique en partie notre jugement du présent et inversement : peser les faits du passé ne saurait se passer du prisme du présent. Le gros livre que vient de publier Abdelhamid Aït Oumalou(1), comprend des contes populaires algériens de styles différents et qui ont survécu pendant des siècles grâce au peuple qui les a propagés oralement . L’auteur a recueilli ces contes par contact direct lors de ses visites à travers plusieurs villes et villages d’Algérie. Il était inspecteur des enseignements et il avait sillonné la plupart des régions de l’Algérie profonde.
Bien que non collectés au pied de la lettre, ces contes amassés étaient transposés en style littéraire et racontés en une langue arabe facile, proche du dialecte populaire. Cependant, Abdelhamid Aït Oumalou a respecté scrupuleusement le contenu et la forme populaires des contes recueillis. Il y garde le coloris folklorique et la fabulation, que lui-même considère comme «une forme d’expression populaire riche en couleurs et en images» (p 15). Ces contes nous surprennent par leur richesse phraséologique, l’abondance des expressions, la maîtrise des dialogues, par leur fraîcheur et leur humour. Nous y trouvons le reflet du monde intime du peuple algérien, sa vie au quotidien, ses us et coutumes, son aspiration à la beauté, au bien et au bonheur et une foi profonde en la victoire du bien et de la justice.
Dans l’introduction de son livre, Abdelhamid Aït Oumalou écrit : «Ma rampe de lancement est sans conteste ma propre enfance, mais il ne s’agit nullement ici d’une enfance enrubannée de sentimentalité, il ne s’agit pas d’un ‘‘passé paresseux’’» (p 11). A travers ces contes, l’auteur fait de nous les spectateurs d’un petit miracle en recollant les débris d’une histoire que sa mémoire a su garder pour nous la présenter travaillée comme une miniature artistique.
Prenons, par exemple, le conte Le Voile dans lequel l’auteur fait, en termes populaires, le bilan de la vie de Djidjiga, restée vieille fille, et nous parle de son éternel désir de se marier. Combien de choses Abdelhamid Aït Oumalou a-t-il su exprimer en neuf pages et avec quelle sobriété, d’où cependant la poésie n’est pas absente. Il a retracé la tragédie de cette femme seule qui célèbre l’anniversaire fictif d’une noce fictive ! Et quelle tristesse émane de l’accord final — cette histoire nous fait penser à une composition musicale — lorsque Djidjiga, à soixante ans passés, effeuille des fleurs en les jetant au ruisseau et puis murmure à voix basse la phrase de toutes les jeunes amoureuses en attente d’aveu. Nous pouvons aussi bien tirer une morale philosophique d’une vie banale et intime que d’une vie fastueuse, puisque chaque individu porte en soi une conception générale de l’être humain. Contes berbères et arabes est un hymne à tous les hommes et à toutes les femmes de l’Algérie historique et éternelle.
1) A. Aït Oumalou est né en 1950 à Akbou. Il est retraité et vit à Blida. Il prépare un 2e tome de ses contes.