Tout d’abord Mohamed KABOUR jouait discrètement à la flûte loin des regards qui y trouvaient une note maléfique et jeteuse de mauvais sorts. D’ailleurs la mère de Mohammed KABOUR jetait tout bout de roseau qui servait d’instrument musical à son fils.
En 1932, il rencontre HADJ BOUKEMMA qui jouait au mandole avec EL Hadj M’Hamed El ANKA. Il apprécia beaucoup et décida de s’acheter une mandoline italienne avec tous ses accessoires à la Rue de CHARTRES avec ses économies ramassées sou par sou. La touchia MUAL fut sa première exécution musicale. En accompagnant El Hadj BOUKEMMA, Mohamed KABOUR s’exerça longuement à la mandoline. De soirée en soirée, il se rapprocha des grands musiciens. Un jour, sur recommandation de HADJ BOUKEMMA, il intégra l’orchestre d’EL ANKA pour jouer à la percussion, au tambour puis au tambourin (derbouka puis tar).
Parmi les musiciens qui composaient l’orchestre d’El Hadj M’hamed EL ANKA, un certain BIBIOO faisait preuve d’indiscipline puisqu’il arrivait souvent en retard aux cérémonies, ce qui agaça le grand maître qui dut s’en séparer.
El Hadj M’Hamed EL ANKA demanda à Mohammed KABOUR de l’accompagner chez lui à la fin d’une soirée. Il mit entre ses mains un vieux banjo et lui demanda de le nettoyer, de le régler et de le remettre en état. C’était l’instrument d’un certain BOUZMALT, grand musicien décédé. Mohamed KABOUR s’exécuta et acheta le nécessaire Place HOCHE aujourd’hui place Ahmed ZABANA.
Un certain Cherif el ANKA imitait alors El Hadj M’Hamed EL ANKA et avait sollicité Mohamed KABOUR pour faire partie de son orchestre. Quelques soirées furent animées.
BOUKEMMA attira l’attention d’El Hadj M’hamed EL ANKA sur le talent de Mohamed KABOUR. C’est ainsi qu’ETTAILLEUR finit par faire partie de la troupe du géant de la musique chaâbi. Il sera le compagnon fidèle jusqu’en 1938.
Radio Alger dirigé à l’époque par un certain Commandant BENDAOUD ne pouvait se contenter d’une programmation musicale exclusivement orientale. Le responsable se mit à la recherche de musiciens algériens pour faire découvrir un art plus autochtone.
A la Casbah d’Alger, il prit attache avec El Hadj M’Hamed El ANKA, El Hadj MRIZEK, KHELIFA BELCACEM, El Hadj MENOUER, MOH SGHIR« l’aveugle » de son vrai nom AOULI, KADDOUR BOUHERAOUA dit ECCHERCHALI et BOUDJEMAA FERGUENE qui avaient appris à jouer chacun de son côté, sans référence au solfège. Ce qui permit l’émergence de talents. Auparavant, ETTAILLEUR jouait avec HADJ MENOUER en compagnie de BOUDJEMAA FERGUENE. HAMDANE, MAHMOUD ZAOUCHE qui aurait introduit la cithare (^quanoun) dans l’orchestre chaâbi. SID ALI CHEIKH EL HADRA Ali KIKI’OU ont également été des compagnons de musique de Mohamed KABOUR.
Une audition fut programmée par Radio Alger. C’est ainsi qu’El Hadj M’hamed EL ANKA prit la peine d’aller rencontrer Mohamed KABOUR sur son lieu de travail au port d’Alger, au grand étonnement de ce dernier.
El Hadj M’hamed EL ANKA réunit cette troupe de musiciens et chanteurs au Café Malakoff pour les préparer à l’audition.
Le Commandant BENDAOUD fut subjugué par la prestation de ces artistes en herbe. De là, trois genres furent imaginés : le Chaâbi fut confié à El Hadj M’hamed EL ANKA, le Classique ou « andalous » à FEKKARDJI et le moderne à Mustapha SKANDRANI. Radio Alger décida d’une programmation bihebdomadaire. L’appellation chaâbi émane de BOUDALI SAFIR qui a baptisé ce genre en 1946 pour être définitivement adopté en 1964.
ETTAILLEUR sera invité par plusieurs figures dominantes du chaâbi. Il jouera ainsi avec Boudjemaâ El ANKIS, El Hadj El Hachemi GUERROUABI, AZIOUEZ RAIS, AMAR EZZAHI.
Quand vous écouterez des enregistrements de concerts chaâbi, vous le reconnaîtrez à travers ses plages musicales où la pluie des notes se fait apaisante, caressante…
Dr R.M.