Il y a plusieurs décennies, le grand poète turc Nazim Hikmet, qui a passé 13 ans de sa vie dans les prisons turques, pour son attachement aux idées de liberté et de fraternité, fait parvenir un message plein d’émotion aux Algériens détenus et torturés après le démantèlement des réseaux patriotiques de l’O.S (Organisation Spéciale), parmi lesquels Abbane Ramdane…
Découvrons-le ensemble :
« Frères,
Je n’ai pas vu vos visages et n’ai pas entendu vos voix,
je n’ai jamais serré vos mains, je ne connais pas le nom de la
plupart d’entre vous.
Mais je vous connais comme si nous étions de la même
rue, comme si nous avions étudié dans la même école, comme
si nous avions travaillé dans le même endroit, parce que nous
sommes dans les rangs de la lutte, épaule contre épaule, pour
les plus belles et les plus justes causes de l’humanité, pour
l’indépendance nationale, pour la liberté, pour des lendemains
heureux et pour la paix.
Vous êtes dignes, comme vos vaillants dockers, du peuple
algérien.
J’ai dit que je ne connais pas vos noms ; mais les honnêtes
gens du monde entier se racontent l’un à l’autre votre
lutte héroïque.
J’ai été, comme vous l’êtes, emprisonné et je sais à quoi
l’on pense parfois en prison… Plutôt que de supporter les mains
liées cette torture, on voudrait quelques fois se balancer comme
un drapeau de la liberté sur un échafaud ou bien tomber sous
les balles de l’ennemi. Si certains parmi vous ont ces pensées,
– ils n’ont pas raison…
Il faut vivre malgré les bourreaux.
Cette volonté de vivre pour le combat, beaucoup d’entre
vous l’ont. Je cite le nom d’Abane avec amour et respect.
La prison ne peut rien contre la solidarité du peuple
algérien et de vos frères du monde entier. Vous êtes parmi nous.
Votre peuple et des millions de gens, avec leurs cris de lutte,
avec leur espoir, avec leur victoire, sont, croyez-moi, dans
vos cellules.
La lutte pour l’indépendance de l’Algérie, pour la liberté
du peuple algérien, pour des jours meilleurs, la lutte pour la
paix du monde entier, continue hors des prisons et dans les
prisons.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Pékin 1952