Les Almohades, mouvement rigoriste d’Ibn Toumert

Après avoir mis fin au pouvoir des Almoravides et pris leur capitale Marrakech, les Berbères almohades apparaissent, dès 1147, comme un mouvement de réformateurs sunnites dans tout le Maghreb et en Andalousie.  

 Voilà un guide, un imam sunnite qui a des ambitions autant politiques que religieuses.  Mohamed ibn Toumart (naissance présumée entre 1076 et 1082) se serait proclamé devant ses fidèles Mahdi (un homme providentiel qui selon les sunnites devras combattre l’Antéchrist), sinon reconnu en tant que tel. Il se présente ainsi comme le chef légitime, le représentant de Dieu (khalifat allah comme chez les Chiîtes), non pas le successeur du prophète (khalifat rassoul allah), ce qui est une exception chez les Sunnites. Pour asseoir sa doctrine, ce membre de la tribu des Arghen (appartenance aux Berbères Masmuda) réside en montagne à Igiliz (près de Taroudant, ville du Sud-ouest du Maroc).  

Dès 1117, il en fait son premier point d’ancrage. Juriste et théologien, il rassemble les premiers initiés. Il conteste la pratique des Almoravides du pouvoir, leur étude limitée des préceptes coraniques au profit d’un juridisme excessif, leur attachement formaliste au rite malékite. Il prêche la réforme des mœurs et des pratiques juridiques. Il développe une vision austère et rigoriste des normes sociales et de l’autorité légitime. Vision inhérente au principe fondamental : l’unité divine (tawhid, d’où l’appellation Mouahidoun). C’est au nom de cette unicité qu’il a préparé les Masmuda à sa cause (daâwa) religieuse et militaire.  

 

Tinmel le lieu de départ  

Dans une seconde phase, vers 1124, il aurait trouvé refuge à Tinmel dans le Sud marocain, qui allait devenir le point d’envol des Almohades, la première capitale de ce mouvement. Le théoricien virulent Ibn Toumert, auteur de l’ouvrage Aazou ma youtlab (Le meilleur qu’on puisse chercher), incarne le puritanisme et l’ascèse, ce qui séduit l’audience à une large échelle dans les régions maghrébines. Il est cependant confronté à la réalité du terrain, à la pression almoravide. Pour parvenir à la chute de leur rival, les Almohades ont recours à la sélection (tamyiz), c’est-à-dire l’élimination directe par les tribus elles-mêmes des membres les moins motivés au ralliement. La solidarité tribale sera ainsi brisée. Cette épuration sera suivie par l’offensive anti-almoravide. Ibn Toumert décède en 1130 et son successeur Abd el Moumen   mène les troupes, jusqu’à la prise de Marrakech en 1146.  

 

Au nom de l’unicité 

Le premier est le fondateur du mouvement et du pouvoir, le second celui de l’Etat almohade et le garant de son expansion. Ibn Toumert est reconnu comme imam impeccable (maâsoum).   

Abd el Moumen est, lui, premier imam-calife (1130-1162). L’unique législateur, le seul interprète autorisé des textes fondateurs de l’islam. En une trentaine d’années, il sera le constructeur du nouvel empire islamique au Maghreb et en Andalousie, régi par le dogme de l’unicité divine, soit la réalisation ultime de l’islam et de l’Ordre de Dieu. Les musulmans sont eux-mêmes assignés à se convertir à l’unitarisme (tawhid). Les juifs et les chrétiens, eux, ne sont plus tolérés comme communauté. Cette quête d’autorité absolue aura duré jusqu’à 1269, date marquant l’émergence des Mérinides. Et pour la première et dernière fois de l’histoire, le grand Maghreb sera unifié sous l’autorité de souverains, non pas arabes, mais berbères.  

 

Mohamed Redouane 

Bibliographie:

  1. La révolution almohade : Almohades : l’unitarisme et la berbérité par Pascal Buresi. Hazan, 2014. 
  2. L’Espagne sous la domination almoravide et almohade par Philippe Conrad, août 2002. 
  3. Illustration: La mosquée du premier sultan Almohade Abd al-Mu’min Ibn ‘Ali (524–58 1130–63) Elle fut construite en 1153 par Abd el-Moumen en hommage au mahdi Ibn Toumert a Timnel haut atlas au Maroc

 

 

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