Le costume nuptial en Algérie Une richesse inestimable – Suite et Fin –

La somptueuse chedda de Tlemcen

Le costume nuptial tlemcenien est l’un des plus impressionnants. Son origine remonterait bien avant l’arrivée des andalous et serait d’origine princière. Il est le seul à arborer une grande parure en or.  

Mais pour Leyla Belkaid, seuls deux éléments remonte à une époque lointaine : la fouta et la m’lehfa qui, une fois de plus, rappellent l’antique péplum. Pour la chercheuse, l’influence andalouse est incontestable. La tenue se compose par la fouta dite metaqla (alourdie) réalisée dans un tissage chargé de fils d’or et la m’lehfa, blouzet el mensoudj, de couleur claire, généralement bleue, rose, ou blanche, parcourue de rayures dorées. Ces deux pièces sont encore aujourd’hui tissées manuellement et constituent ce qu’on appelle rda.  Par dessus, vient se poser lebset el carftan, qui ressemble effectivement au caftan ottoman, quoi qu’avec le temps, sa hauteur remonte aux genoux.

Entièrement travaillé de broderie de fil d’or et de paillettes dorées, seules les manches sont visibles puisque le devant est entièrement caché par les rivières de joher (perles irrégulières) accrochés par des fibules sur les épaules et pendant sur tout le buste.

Ces ornements au départ étaient composés de sequins soltanis (sous domination ottomane), de chaînes d’anneaux aplatis, des colliers de louis d’or (sous domination française), avant de laisser la place au joher, vers les dernières décennies du XXe siècle. Cet amoncellement de perles se mêle à de grosses chaînes en or jaune torsadées et d’un long collier avec une khamsa ou, plus récemment, une meskia, un kravache…

L’effet est impressionnant, puisque ces rivières étincelantes pendent plus bas que la taille et même, depuis quelques années, jusqu’aux chevilles. En haut, elles se confondent avec les fibules et les énormes pendant en joher, les khros, accrochés de chaque côté des tempes sur le djbin et pendant plus bas que le menton. Sur la tête justement, autour de la chéchya courte et en pointe, faite de velours entièrement brodé d’or. Mais celle-ci est à peine visible. Des rangées de djbin forment une véritable couronne royale autour de la chéchya, remplaçant le tadj d’antan, visiblement disparu entre la fin du XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle.

Pour finir la coiffe, deux ou trois collier, zerouf ou khit errouh, sont accrochés sur les djbin et, de chaque côté, les ra’achat serties de diamants accrochées à même la chéchya. Enfin, une longue m’hermat leftoul, appelée mendil s’accroche à l’arrière de la tête et tombe jusqu’au bas du dos. D’autres bijoux suivent pour parfaire la toilette nuptiale, notamment les bracelets qui surchargent les avant-bras, les bagues qui remplissent les doigts et les khlakhel aux chevilles.

Pour parer la mariée, il faut au moins deux heures de temps. Ce geste d’accrocher les rivières de perles et l’ensemble de la coiffure, se nomme chedda (du mot tenir). Aujourd’hui, le costume nuptial tlemcennien a pris cette appellation de chedda qui est d’ailleurs depuis 2012, inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité. Il faut enfin préciser que cette tenue se portait seulement lors du septième et dernier jour des noces. Aujourd’hui, la mariée tlemcenienne la porte généralement pour sortir de chez elle, voilée d’un superbe haïek blanc en soie tissée.

La flamboyante djebba kbaïel

Là encore, la robe kabyle d’aujourd’hui est loin de celles portées par les mariées d’antan, toujours inspiré du péplum. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le costume nuptial est tissé traditionnellement et garde son drapé antique et ses fibules. La djebba, tagendourth, sans manches, est de soie blanche, rouge, jaune, ou orange, bariolée de galons dorés. Un large pan d’étoffe en soie se referme sur la le corps de la mariée, comme la m’lehfa, attaché de deux fibules triangulaires en argent massif et sertis de corail.

L’habit est déjà plus proche de la djebba d’aujourd’hui. Resseré à la taille, l’akhellal parcourus de stries verticales polychromes contenant des motifs géométriques aux coloris chauds, tels que le rouge carmin, le brun ou l’orange, est l’ancêtre de la fouta d’aujourd’hui qui se porte autour de la taille de la mariée.

La chercheuse Leyla Belkaid date l’introduction de ces pièces en soie du XVe ou du XVIe siècle, lorsque les liens entre les chefs des tribus kabyles et les rois d’Alger se consolident. La mariée ainsi drapée de couleurs chatoyantes, se parent inévitablement d’une parure en argent truffée de corail et d’émaux cloisonnés bleus, verts et jaunes. D’abord le précieux tabzimt, accroché au front ou au niveau de la poitrine. Son diamètre est imposant et ses coraux très grands. Aux poignets et aux chevilles, l’énorme aboub et l’amechloub, entièrement couverts d’émaux filigranes, et l’ikhelkhalen finement ciselé et incrusté de cabochons de corail.

La mariée kabyle finalise sa parure avec d’énormes boucles d’oreilles appelés letrak et le diadème dit ta’essabt, posé sur le bandeau qui coiffe la mariée ; ainsi que le tehzamth, ceinture à boucle rigide toujours en argent émaillé et serti de petits coraux. La complexité du Sahara Au sud du pays, le costume nuptial varie beaucoup selon les villes. Ainsi, les tribus nomades et sédentaires qui peuplent les Hauts Plateaux et l’Atlas saharien ont adopté la tenue caractéristique des Ouled Naïl. Proche des costumes aurésiens, elle s’agence autour du fameux péplum antique à fibules, et accorde le rôle principal à la parure, notamment aux bijoux de tête, à savoir el jbine, orné en d’autres temps d’une plume d’autruche dite n’zoura. Pour la mariée de cette région, un collier de d’ambre est de mise.

A Ghardaia, le costume nuptial se nomme la melhfa, ou elkettane pour Mnéa. Il s’agit d’un voile long qui se décline en plusieurs couleurs, blanc, rouge ou vert. La tenue est accompagnée d’un gros collier de perles, le bekhnouk ou bekhnek. Sur la tête de la mariée, une aâssaba, ou chedda et m’herma en soie sont indispensables. Et pour agrémenter la coiffure, de fausses tresses baignées à l’encens et aux huiles parfumées sont posées. A Ghardaia, le maquillage de la mariée se fait à base de produits naturels : safran, khoul et henné. Elle est également parée de bijoux exclusivement en argent, ou en argent couvert d’or, tels que ech’nakat, elalaghet, el bzayem, essourat, ederk, elkhlalet et elkhekhel.

Plus au sud, vers le Hoggar par exemple, le costume nuptial reste sobre dans sa forme souvent comparée au sari indien. Le vêtement est importé des pays frontaliers, ce qui explique la manière africaine de le mettre. La complexité réside plutôt dans l’étoffe qui est riche et particulièrement élaborée. Et bien plus que les bijoux, le maquillage au harkous et le henné donnent à la mariée toute sa splendeur. Dans les dunes du grand erg, la cérémonie des noces et les rituels qu’elles impliquent comptent plus que tout. La sobriété du costume s’explique par la complexité de la vie dans cette région aride. Aujourd’hui, même si des parties entières tendent à disparaitrais des costumes nuptiaux algériens- pour différentes considérations extérieures- on enregistre un retour certain vers les traditions et un grand intérêt pour les tenues de chaque région.

Ainsi, les cérémonies de mariage ont souvent perdu leurs rites au point de se ressembler. Cependant, les jeunes femmes d’aujourd’hui ne se contentent pas de porter le costume de leur région et préfère faire une tesdira avec toutes les grandes tenues algériennes. C’est un peu rendre hommage au patrimoine et surtout, le préserver.

Zineb Merzouk

Sources :

  1. Leila Belkaïd : «Costumes d’Algérie ». Editions du Layeur, 2003.
  2. Illustration 1 : Photographie revue « El arbi » 1970
  3. illustration 2 : Costume Kabyle pour fêtes

Retrouvez la première partie sur Babzman : https://www.babzman.com/2015/le-costume-nuptial-en-algerie-une-richesse-inestimable-partie-i/

 

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