Au lendemain du déclenchement de la guerre de libération nationale, les journaux annoncèrent le déclenchement d’une vague «terroriste» sans précédents, causant des pertes humaines et matérielles. A contrario, «La voix des arabes», «Sawt El âarab», de la radio «Le Caire», à la date du 1er novembre avait annoncé : «Une lutte grandiose pour la liberté, l’arabisme et l’Islam en Algérie, commence ce jour, à l’aube.». Ainsi, l’émergence de l’identité algérienne prend place et des artistes tels que Madjid Rèda et Ali Maâchi, rejoignent l’ALN. Ali mourra en martyr, pendu par les forces coloniales, le 8 juin 1958.
Productions cinématographiques :
C’est dans la Wilaya I (Région Est) que quelques combattants de l’ALN, ayant appris quelques rudiments du métier, se constituent en équipe de tournage cinématographique, en 1957. Le but de cette équipe était de faire échec à l’armada médiatique de l’information française qui n’avait de cesse de déformer les faits, exagérer dans les chiffres résultants des opérations militaires menées contre ce qu’elle appelait «La rébellion» et le peuple algérien.
Ce n’est qu’à travers le relaie des télévisions des pays socialistes et les deux pays voisins que l’audience de quatre émissions sera portée à l’internationale. Dans une de ces émissions, «La cellule cinématographique de l’ALN» sera présentée, quant aux autres, elles concerneront le rôle des infirmières de l’ALN, dans «Les infirmières de l’ALN» et une attaque des maquisards contre les mines de l’Ouenza, dans «L’attaque des mines de l’Ouenza». Dans le but de favoriser la diffusion des images de la résistance et du combat, une agence de presse fut créée à Tunis et la collecte d’images et de documents de presse furent collectés dans le souci de constituer des archives complètes de la révolution.
Plus qu’une simple production artistique, le cinéma algérien du siècle dernier fut une arme de riposte si importante, que le FLN va encore plus loin, en créant le centre d’information et de communication dont le but premier était d’accompagner les journalistes étrangers pour des tournages dans les maquis. Herb Greer et Peter Thockmorton étaient les premiers indépendants à filmer le maquis de l’Oranie. C’est à l’Assemblée Générale de l’ONU, en 1957, que leur film fut diffusé.
Les films
Beaucoup d’amis de l’Algérie indépendante, ont tourné des films, dénonçant la nature du conflit mené, pour la plupart d’entre eux, contre leur propre pays.
- L’un des premiers à avoir réalisé des films montrant la réalité des choses, était René Vautier qui, après l’accord des moudjahidines, rejoint le maquis dans les Aurès, en 1956. Le film, «L’Algérie en flammes», lui a valu trois blessures, deux ans de prison dont dix-neuf mois dans une cellule de condamné à mort.
- «Une nation, l’Algérie», un film dans lequel il montre et relate les véritables images de la conquête de l’Algérie et, à cause d’une phrase du film qui dit «L’Algérie sera de toute façon indépendante», il sera poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de l’état. Si l’une des deux copies du film fut détruite, la seconde a simplement disparue.
- «J’ai huit ans», Sur l’idée de Vautier, Yann Le Masson, coréalisera son premier film avec Olga Poliakoff. Une réalisation montée à partir de dessins d’enfants algériens, réfugiés dans une école, non loin de Tunis, dirigée par Frantz Fanon. Ce film avait pour but de transmettre les profondes convictions des algériens qui les avaient poussés à s’engager dans cette lutte armée. La préparation du film était assurée par Jacques Charby et Frantz Fanon ; et la production par le Comité Maurice Audin. Les prises de vues réelles ont été tournées en Tunisie par René Vautier et Yann Le Masson, quant aux témoignages des enfants, c’est Olga qui s’était rendue à la frontière Algéro-Tunisienne. Le montage fut mené en collaboration avec Jacqueline Meppiel, et la première projection du film, avait eu lieu à Paris, le 10 février 1962, pour une cinquantaine de personnes, sans autorisation, ni aucune précaution.
- «Les réfugiés » : faisant partie du réseau Jeanson* (Francis Jeanson, philosophe français, fondateur du réseau de soutien aux combattants du FLN, durant la guerre d’Algérie), Cécile Decugis, réalisera un court métrage, dans le même esprit que celui de Yann Le Masson, tourné en Tunisie, en 1956-1957, ce qu’il lui vaudra deux ans de détention dans les prisons françaises.
- «Djazairouna», réalisé en 1960 par Chanderli Djamel, Pierre Chaulet, Lakdar Hamina et René Vautier, sur la base des images du film «Une nation : l’Algérie», tournée en 1955, par ce dernier ; et des images prises au maquis. La production sera signée par Service Cinéma GPRA.
On ne peut citer (quoique de façon non exhaustive) les productions cinématographiques ayant trait à la révolution algérienne, sans évoquer le fameux Ce film souligne à l’opinion internationale les objectifs poursuivis par les moudjahidines.
- « Yasmina » réalisé par Djamel Chanderli et Mohamed Lakhdar Hamina réalisèrent les courts métrages, racontant l’histoire d’une petite fille, qui a fuit son village après le bombardement. Il relate le périple de son errance avec sa poule jusqu’à la frontière, jusqu’à se retrouver parmi les réfugiés…
- «La voix du peuple» et «Les fusils de la liberté». Une production assurée par le service cinéma du GPRA, en 1961.
La révolution algérienne portée à l’écran, après 1962 :
Si les films précédents ont été réalisés pour porter la voix du 1er novembre, d’autres ont été réalisés pour commémorer ce grand tournant de l’histoire de l’Algérie, telles les productions faites en post indépendance. Pour exemple, Ahmed Rachedi a réalisé, en 1965, «L’aube des damnés» en revenant sur les images d’archives, les livres et les musées. A travers ce film, il mettra la lumière sur le vécu infernal de l’Algérie qui aura duré 132 ans, mais qui fut également partagé par quasiment tout un continent. Un film qui parle de l’indépendance de l’Algérie et du souffle d’enthousiasme répandu à travers les pays colonisés. C’est au Centre National du cinéma Algérien, créé en 1963, que la mise en chantier du film sera faite.
Pour retracer la prise de conscience du peuple algérien, «La révolte d’un colonisé», Marie-Louise Derrien réalise un court métrage de 13 minutes, en noir et blanc, avec Marc Ferro, en 1974, qui a été produit par la librairie Hachette et Pathé cinéma. Ce court métrage relate le parcours d’un algérien passant par prise de conscience dès 1948, à sa participation à l’insurrection de novembre 1954. Les propos ont été recueillis par Marc Ferro, lors de séjours passés en Algérie, de 1948 à 1956, puis celui de 1958 et de 1959. Dans ce documentaire, il a été question de la description et l’analyse du passage de la prise de conscience à la révolte, puis l’encouragement à l’insurrection armée… A SUIVRE
Mounira Amine Seka
*Francis Jeanson est un écrivain français qui a aidé au transport et à la mise à l’abri des militants du FLN, ainsi qu’à celui des armes, des matériels de propagande et de l’argent des cotisations. Jean Lacouture dira à son sujet, qu’il est « passé de l’autre côté : c’est par lui que le scandale – glorieux – est arrivé.».
Sources :
- Dictionnaire du cinéma algérien et des films étrangers sur l’Algérie, par Achour Cheurfi, Editions Casbah, Alger, 2013.
- Du théâtre algérien au Théâtre national algérien, par Mustapha Kateb. Essais et écrits inédits choisis et présentés par Chérif Ladraa et Makhlouf Boukrouh, Maqamat éditions, 2013.
- Mémoires de Mahieddine Bachtarzi (1919-1939), Tome I, Editions SNED, 1968.
- Mémoires de Mahieddine Bachtarzi (1951-1956), Tome III, Editions ENAG, Alger 2010.
- Dictionnaire des musiciens et interprètes algériens, par Achour Cheurfi, Editions ANEP, 1997.
- Le Monde.fr.
- Presse Nationale.
- Image : film : avoir 20 ans dans les Aurès