Fatma Tazoughert, la mystérieuse reine des Aurès

Si l’historiographie de la région des Aurès semble avoir occulté une figure berbère mythique, la tradition orale est florissante au sujet d’une dénommée Fatma Tazoughert dite la reine rousse. 

Il existe très peu d’écrits sur cette mystérieuse reine et ce que l’on sait de sa vie nous vient de récits relatée principalement par des conteurs et poètes de tradition orale qui font d’elle une magnifique reine à la chevelure flamboyante. Certains historiens estiment qu’elle n’a jamais existé, néanmoins les chants chaouis, préservent oralement, et glorifient aujourd’hui encore cette femme qui est passé d’un siècle à un autre grâce à eux.

Qui est cette femme qu’honorent les « Rahabas », chanteurs chaouis ? 

Le mythe date du XVIe siècle au temps des ottomans. Fatma tazoughert, représentée avec les mêmes traits et caractéristiques attribués à la reine Dihya ou encore à Tinhinan, aurait été à la fois une guerrière, une guérisseuse, une sainte soufie et une souveraine régnant justement sur la partie nord des Aurès. La tradition orale l’affuble du surnom de Tazoughert qui signifie “la rousse” en raison de sa chevelure flamboyante qui flottait au grès du vent.

Elle serait née à Tamerwent près de Batna, en l’an 1544 et morte en 1641 dans les montagnes de Belezma. L’histoire ne dit pas d’où lui vient son royaume. Était-elle la femme d’un roi devenue reine après son veuvage ? Ou avait-elle hérité du royaume de son père ? Nul ne le sait… Cependant elle serait connue pour avoir instauré le matriarcat sous la bannière de l’islam et créa un conseil de sages exclusivement féminin, ce qui constitue un fait singulier au Maghreb musulman.

Tarik Ibn Zyad

L´écrivain et homme de lettre Nadhir Sbaâ la présente modestement dans son écrit L´histoire des Aurès et les hommes ainsi : « Née dans la montagne de Hitaouine (Merouana, les Aurès inférieures, Titaouine), Fatma « la rousse », (1544-1641) prêtresse et reine, réussit sous son règne, non seulement à unir plusieurs groupes berbéro-arabes, mais à perpétuer le matriarcat en désignant uniquement des femmes au sein du conseil des sages. » 

La tradition orale la rattache à une prestigieuse lignée de chefs guerriers. Selon Sebaâ elle serait descendante d’Imouren, un noble général de Tarik Ibn Zyad qui prit part dans la conquête de la Péninsule Ibérique en 711.

Aimante pour ses fidèles sujets, elle pouvait se montrer sans cœur pour ceux qui n´obtempèrent pas à ses ordres. Pour exalter le respect de la discipline, Fatma, n’hésita pas à sacrifier ses deux frères qui contestait ses décisions. L´écrivain rapporte : « Elle fit exécuter son frère Zoltan et poussa à l´exil Sellam son cadet, qui contestèrent certaines de ses décisions ». 

Quand elle arrivait sur son destrier au cœur des champs de batailles, habillée en guerrière lourdement armé, elle imposait la crainte et le respect. Sbaâ la dépeint ainsi : « Guerrière redoutable, elle avait un remarquable sens de l´organisation et du commandement à la tête de ses troupes […]. Elle restait libre tout en dirigeant la multitude et avait un incontestable ascendant sur le grand Aurès, jusqu´aux confins de M´sila, au sud-ouest et Tébessa au nord-est ». 

En 1566, on retrouve sa trace aux abord des villes de Marrakech, de Meknès et de Fès, sous domination Zianide, qu’elle aurait réussi à prendre. Ces faits seront contestés par les historiens en raison du manque de manuscrits et chroniques à ce sujet. La conquête fut, néanmoins, relatée par un poète marocain Sidi Abderrahmane El Mejdoub (XVI siècle).   

Mère de dix-sept enfants, cette redoutable guerrière, récitait le coran par cœur et savait guérir les maladies par l’usage des herbes sauvages, dont elle reçut de sa mère, Adhfella, les secrets. Notre écrivain et homme de recherche rappelle : « Sa mère – Adhfella – l´avait initiée à la sélection des plantes et aux soins à prodiguer aux malades et blessés ».  

Malgré les affres du temps et grâce à la mémoire de la population et aux poèmes, son souvenir s´est immortalisé et a pu voyager à travers le temps. Ainsi, ses héritiers, les Ath Fatma (tribu chaouie de la rive nord), pérennisent et sauvent de l´oubli cette figure emblématique de notre histoire en lui tissant contes et poèmes pour vanter ses mérites et ses exploits.

Fatma Tazoughert, demeure à l’instar de la reine des touaregs, Tin Hinane, un personnage à cheval entre le récit historique et la légende.

Voici quelques poèmes sur Fatma Tazoughert :

« Taziri N´your / Lahwa Nwedhrar/ Iness Lalla Fatma / Regda Nirer » 

Traduction toujours faite par Sbaa : Douceur de lune / Brise des montagnes / Dites à Fatma la rousse / De sortir égayer / Les silences des nuits.

« Soussem Idhbirène, Atmila, Limam n´wedhar, Fatima Tazoughert Tessaradh gouamane Techtahen Dhassequit eness. »

 Traduction : « Taisez-vous tourterelles colombes / Chênes, oliviers, cèdres et pins / Les cascades d´eaux vives se figent / Dans une expiation extase / Tazoughert Reine des Aurès / L´aphrodite, l´autre déesse / Se baigne dans le lit envoûté des Tifouress / Dans un insolite copsage liquide faiseur / De l´historique copulation. »

Maiz Rym

Bibliographie :

  1. Mohamed Nadhir SEBÂA  – L’histoire, les Aurès et les hommes, CRASC  
  2. Salem Chaker, Encyclopédie Berbère « Aures» 
  3. Abderrahmane Lounes, Anthologie de la littérature algérienne d’expression amazigh ANEP 2002 
  4. Ounissi Mohamed Salah, Amawal, Tcawit-Tafransist-Taârbt ENAG Alger ( 2003) 
  5. Joly, A. «  le chaouiya des Ouled Sellem » Revue Africaine, Alger ( 1912) 

Articles similaires

Les Djwadjla et le commerce du pain, à l’époque Ottomane

Ksar d’El-Menea, le palais de Mbarka bent el khass

Euldjia Bent Bou Aziz des Hanencha