A propos du mot magie, l’ethnologue Frank Hagenbucher propose la définition suivante : «Le mot “magie” est aujourd’hui employé par les anthropologues pour désigner l’ensemble des techniques, comportements et concentrations spirituelles destinés à surpasser les sens de l’homme ainsi qu’à maîtriser et, surtout, modifier l’ordonnance du monde.» El madjous en arabe ou mage en français, dont le nom est issu de la racine latine magus, proviendrait du persan magis, terme qui désignait autrefois les fidèles du culte de Zoroastre : une croyance païenne, vieille de plus de 3 700 ans.
En langue arabe, le mage est également appelé : el seh’h’âr ou sâh’ir ou encore kahin (devin), issu de l’hébreu kohen (prêtre), autant de superlatifs pour désigner cet être fascisant et craint, et dont le savoir et le pouvoir dépassent l’entendement des communs des mortels. Son pouvoir relève à la fois du sacré et du profane. Son éloquence le positionne en corollaire du poète «el châ’ir» ; cette étroite relation se traduit par la verve dont il fait preuve lors des prédictions et divinations. Ainsi, rhétoriciens et philosophes furent souvent confondus avec des sorciers et mages, et ce dans diverses cultures.
Observons en ce sens le cas du philosophe Apulée de Madaure (actuelle Souk Ahras) et figure controversée dans l’Afrique romaine du IIe siècle. Auteur des Métamorphoses, une œuvre hybride entre symbolisme, philosophie et contes populaires, Apulée sera accusé de sorcellerie et d’infidélité au culte de «Hermès Trismégiste», personnage mythique de l’antiquité gréco-romaine et figure de l’Alchimie. Il rédigea en guise de réfutation, L’Apologia siue de magia, une œuvre qui renvoie à la complexité de la philosophie entre magies et religions.
Tandis que la religion est une affaire d’hommes et de prophètes, certaines formes de magies (divination, magies dite sympathiques car basées sur les superstitions) semblent être l’apanage des femmes dans l’Afrique du Nord préislamique et, à ce propos, Procope s’exprime comme suit : «Il est interdit chez les Maures aux hommes de prédire l’avenir : mais certaines femmes, après avoir accompli des rites sacrés, inspirées par l’esprit (divin), prophétisent l’avenir, ni plus ni moins que les anciens oracles.»
Dihiya, célèbre reine berbère du VIIe siècle, issue de la tribu des Djeraoua des Aurès, fut surnommée la Kahina, qui signifie devineresse. Il paraîtrait d’ailleurs qu’elle professait le judaïsme et fascinait par sa beauté et son charme ensorceleurs. Sa renommée dépassa Ifrikiya et intriguait H’asan ibn No’man, le conquérant omeyyade. Il en est ainsi pour Zeineb, El Nefzaouine, Tanguit et Debou de la tribu des Ghomara dont Ibn Khaldoun rendit compte dans son ouvrage sur les Berbères…
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Leila. A