Un crime masqué par l’administration française
Le 19 juin 1940, les Allemands atteignent Lyon. Suite à la défaite annoncée deux jours plus tôt par le gouvernement, la ville est déclarée « ville ouverte » et se rend à l’ennemi sans opposer de résistance.
Pendant les dix-sept jours d’occupation qui suivent, une apparente période de calme règne, mais une découverte inattendue dans les archives départementales vient rompre cette illusion. En marge des récits officiels, une note discrète émerge, révélant un épisode tragique jusqu’alors méconnu.
Le 21 juin 1940, seulement deux jours après l’entrée des nazis dans la ville, alors qu’une réception se prépare à la préfecture pour accueillir les « nouveaux occupants », les caves de ce même bâtiment deviennent le théâtre d’un événement dramatique. Mohamed Ben Salah, Mohamed Ben Ali et un homme de couleur noir anonyme, seront lâchement exécuté par les nazis.
Le 22 juin 1940, un gardien de la paix du nom d’Alphonse Ray fait un rapport poignant à son supérieur :
« J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’à 23 heures, par ordre de Monsieur l’Officier de Permanence, j’ai requis une voiture automobile du service des Pompes Funèbres pour transporter trois corps à la morgue : ces derniers avaient été abattus à coups de revolver dans les caves de la Préfecture par ordre de l’autorité allemande. J’ai assisté à la fouille des corps et signé le registre en présence du préposé des entrées. Le premier, qui était de race noire, n’avait ni papier ni argent. Le deuxième, un Arabe, des papiers trouvés sur lui m’ont fait connaître qu’il se nomme Mohamed Ben Salah et qu’il travaille à l’usine Schneider, il était en possession d’une somme de 5 francs et 50 centimes de monnaie algérienne, et 2 francs en monnaie française […]. Cet Arabe qui est d’une taille moyenne porte la barbe. Le troisième, un Arabe également, se nomme Mohamed Ben Ali, il a le même signalement que Mohamed Ben Salah, et travaille au même endroit« .
Ainsi, ces crimes de guerre perpétrés par l’armée d’occupation à Lyon établissent Mohamed Ben Salah, Mohamed Ben Ali et un anonyme (malheureusement jamais identifié) comme les premières victimes civiles des nazis dans la ville.
Synthèse Babzman
Archives : Rafika Bendermel
Journaliste – Auteure spécialisée dans l’histoire des Algériens de France