Libérateur d’Alger (1516) et de l’Afrique du Nord, frère aîné de Kheireddine Pacha fondateur de la régence d’Alger (1516-1830)
Né à Mola, dans l’île de Mételin, vers 1473, Aroudj (le Barbarossa Horuc des chroniqueurs) était le fils d’un pauvre potier, chrétien, suivant les récits des auteurs européens, musulman, selon les traditions rapportées par les annalistes orientaux. Embarqué à l’âge de vingt ans sur un navire turc qui faisait la course, le jeune Aroudj ne tarda pas à se distinguer au milieu de ses compagnons d’armes par une rare énergie et une très vive intelligence. Capturé par les chrétiens et emmené prisonnier dans l’île de Rhodes, il ne tarda pas à s’échapper des mains de ses vainqueurs et courut aussitôt reprendre la vie d’écumeur de mer. Grâce au renom que lui avaient déjà valu ses premiers exploits, Aroudj obtint bientôt le commandement de deux galiotes et assisté de ses deux frères, Khaïr-ad-dîn et Ishaq, il se rendit sur les côtes de Tunisie(1505) où, fort de l’appui du souverain de Tunis qui l’autorisa à déposer le produit de ses prises d’abord à l’île de Djerba, puis à la Goulette, il ravagea les côtes de la Sicile et de la Calabre et étendit peu à peu ses incursions sur tout le littoral de la Méditerranée dans la partie de cette mer qui est fermée à l’Est par la péninsule italique. L’aura d’Arudj s’élargit lorsqu’entre 1504 et 1510 il transporta des milliers de rescapés musulmans de l’Espagne chrétienne (ANDALOUSIE) vers l’Afrique du nord. Ses efforts pour aider les musulmans fuyant l’inquisition en Espagne en les transportant en Afrique du nord lui ont valu le surnom honorifique Baba Arudj (père Arudj) qui par similitude phonétique évolua en Espagne, en Italie et en France en Barbarossa.
Ces premiers succès enhardirent le célèbre corsaire qui songea, dès ce moment, à se créer un véritable royaume indépendant. Aussi, dans l’espoir de trouver une occasion favorable à l’exécution de son dessein, céda-t-il volontiers aux sollicitations des petits princes algériens qui lui demandèrent assistance pour chasser les Espagnols qui, possédant déjà quelques points de la côte, menaçaient de s’emparer de tout le littoral algérien. Une première entreprise dirigée contre Bougie (Béjaïa), alors au pouvoir des Espagnols, ne fut pas heureuse; grièvement blessé au bras pendant le siège de cette place , Aroudj, après une douloureuse amputation, dut rentrer à Tunis pour y soigner sa blessure et laisser à son frère Khaïr-ad-din le soin d’inquiéter les chrétiens et de les bloquer par d’incessantes croisières. C’est pendant qu’Aroudj était ainsi condamné à l’inaction que l’amiral André Doria débarqua à la Goulette et détruisit, malgré les efforts de Khaïr-ad-dîn, tous les navires des deux corsaires qui s’étaient réfugiés sur ce point. Une nouvelle flotte construite à Djerba permit cependant à Aroudj et à Khaïr-ad-dîn de recommencer bientôt leurs courses aventureuses. Ils cherchèrent, mais en vain, à tirer vengeance de l’échec qu’ils avaient subi devant Bougie (Béjaïa) : leur seconde expédition contre cette ville fut aussi infructueuse que l’avait été la première.
Vivement affecté par cet insuccès et sentant bien que tout avenir était perdu pour lui s’il n’avait pas comme base de ses opérations un port lui appartenant, Aroudj dirigea tous ses efforts contre la petite ville de Djidjelli qu’il réussit à enlever aux Génois (1514). Cette ville devint alors le centre de ses opérations et tandis qu’il faisait en personne la conquête du royaume de Kouko, ses navires écumaient la mer et ramenaient incessamment de riches captures dans le port de Djidjelli. Enrichi par ces dépouilles, les deux corsaires virent accourir de tous côtés des aventuriers qui se rangèrent sous leur bannière et bientôt leur renom fut tel que les musulmans algériens songèrent de nouveau à s’adresser à eux pour chasser les chrétiens du territoire algérien. Les Espagnols, dans le but d’empêcher le développement de la piraterie dans ces parages, avaient bâti la forteresse de Peñon sur un des flots qui commandent le port d’Alger; Selim ben Toumi, prince d’Alger, désespérant de pouvoir, avec ses seules forces, venir à bout de se débarrasser de ce gênant voisinage, s’adressa aux frères Barberousse qui accoururent aussitôt. Tandis que Khaïr-ad-dîn conduisait une puissante flotte devant Alger, Aroudj entraînant avec lui une nombreuse armée de Kabyles, longeait le littoral et, dépassant Alger, allait s’emparer de Cherchell occupée, à ce moment, par un corsaire nommé Kara-Hassan qui aurait pu devenir un compétiteur redoutable.
Débarrassé de ce rival, Aroudj revint sur ses pas, entra dans Alger et fit aussitôt dresser une batterie contre le Peñon. Mais soit qu’il manquât du matériel nécessaire, soit que, par une telle démonstration, il eût songé seulement à masquer ses desseins, il arrêta brusquement ses opérations, puis, renonçant à continuer plus longtemps, son frère Cadet Kheireddine le détruira entièrement en 1529 à l’exception de deux tours. il assassina Selim ben Toumi dans son bain et se fit proclamer souverain d’Alger. Informé à temps du complot dirigé contre lui, Aroudj échappa au danger et fit périr dans les plus cruels supplices les principaux conjurés. A peine avait-il échappé à ce péril qu’il se vit de nouveau menacé par l’arrivée d’une escadre espagnole qui avait pour mission de chasser Aroudj d’Alger et de remettre cette ville au pouvoir d’un fils de Selim ben Toumi. Les mauvaises dispositions prises par l’amiral espagnol Diego de Vera, bien plus que la violente tempête qui surgit peu après l’arrivée de le flotte le pousseront à une défaite et une déroute retentissante et causera d’énormes perte à la couronne d’Espagne, ce qui sont restés en vie seront réduis à l’esclavage. De Vera regagnera la péninsule Ibérique la tête basse, couvert de honte et disparaîtra pour toujours, chose qui assurera un triomphe impérial à Aroudj qui put, dès lors, considérer le succès de son oeuvre comme définitivement assuré. Il fit ainsi d’Alger la plus redoutable base de corsaires et qui allait résister pendant plus de trois siècles à tous les assauts.
Cependant le roi de Ténès, Maulay Abou Abdallah, qui redoutait le sort de Selim, essaya d’enlever Alger aux frères Barberousse; prenant l’offensive, il marcha sur Alger, mais il fut complètement défait et Aroudj l’obligea à abandonner Ténès et entra dans cette ville sans coup férir. Là il reçut une députation des habitants de Tlemcen venant demander qu’on les délivrât de l’usurpateur Abou Zeyyan qui avait enlevé à son neveu Abou Hammon le trône de Tlemcen. Aroudj accepta avec joie cette occasion d’étendre son nouvel empire; il se mit immédiatement en marche et, laissant dans la petite ville de Kalaâ son frère Ishaq avec une forte garnison dans le but d’assurer sa retraite encas de désastre, il vainquit Abou Zeyyan qui s’était porté à sa rencontre, et entra dans Tlemcen où il voulut s’établir en maître. Mais il ne tarda pas à être assiégé dans cette ville par le marquis de Comares, gouverneur d’Oran, qui venait dans le but de rendre le trône de Tlemcen au neveu d’Abou Zeyyan, Abou Hammou. Serré de près par les assiégeants, manquant de vivres, Aroudj essaya en vain de s’enfuir vers l’ouest où il espérait trouver des renforts qu’il attendait de l’empereur du Maroc, mais arrivé au Rio Salado il fut rejoint par les troupes espagnoles et périt les armes à la main en 1518.
Article envoyé par Djalil Kezzal