Le paysan ayant fait un long chemin pour arriver chez Cham’oun, fut soulagé de le trouver seul. Il lui confia ses déconvenues en le priant de lui faire un talisman fiable qui lui rendrait l’amour de sa belle.
Cham’oun reçut ce client providentiel avec beaucoup de promesses, car il traversait une période de crise où les consultant se faisaient rares. Il exigea de lui quelques victuailles.
Le paysan s’exécuta et reçut en échange un talisman et des recommandations.
-« Y a-t-il une rivière que tu dois traverser ? » demanda Cham’oun.
-« Oui, il y en a une ! » reconnut le paysan.
-« Tu quitteras la ville à la tombée de la nuit ! Il ne faut pas qu’on te voie ! » recommanda le juif.
-« Oui !Oui ! » répondit le paysan.
Cham’oun alla fouiller dans un sac et tira un livre qu’il présenta comme un livre saint pour donner plus de crédibilité à ses propos :
-« Pose ta main sur ce livre et jure-moi par ce livre, qu’au moment de traverser la rivière, tu ne penseras pas au chat noir ! »
-« Au chat noir ! » s’exclama le paysan surpris.
-« Oui, le chat noir ! Si tu te rappelle le chat noir au moment de traverser la rivière, ton talisman n’aura plus d’effet ! «
-« Que dois-je faire si… »
-« Tu ne traversera pas la rivière ! trancha le juif. »
-« Ah ! Bon ! »
Le paysan empocha le talisman et dut attendre le soir pour rentrer chez lui. Et juste au moment où il allait traverser la rivière, il pensa au chat noir.Il rebroussa chemin. Il s’assit sur la berge et attendit un long moment avant de reprendre sa route. Mais dès qu’il entama la traversée de l’oued, l’image du chat noir se présenta à son esprit. Il maudit le diable et rebroussa chemin. Il tenta plusieurs fois mais impossible de chasser l’image du chat noir.
Au petit matin, épuisé, il s’endormit. Quand il se réveilla, il oublia le chat noir et Cham’oun. Il tira de sa poche sa tabatière en même temps que le talisman qu’il ouvrit et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il en découvrit le contenu : quelques grains de sel. Un à un, il jeta les cristaux de sel qui fondirent dans l’eau.
Il rentra chez lui et fut accueilli par sa femme éplorée qui avait ameuté tout le douar pensant que quelque malheur était arrivé à son époux.
C’était la meilleur preuve d’amour. Était-ce l’effet du talisman ?
Source : Contes du terroir algérien – Editions Dalimen.
Image à la une: The Great Cat Family, dessin animé de Walt Disney (1956))
Image intérieur : chat noir graffiti illustration Padova
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