Conte – Le barbier et la vigne

« Ouayen trouh ya katel errouh  » Tuer est facile mais comment cacher son crime et échapper à la justice… Le crime était presque parfait mais le criminel oublié toujours qu’il y a une justice immanente qui se transmet à la justice des hommes.

Deux amis voyageaient ensemble. Ils étaient partis tôt le matin et cheminaient dur la route qui devait les conduire à la ville voisine. Comme ils étaient pauvres, ils n’avaient ni cheval ni chameau. L’un était jardinier de son métier et l’autre était barbier. Ils marchaient et divisaient jusqu’à la tombée du soir. Le barbier dit au jardinier :

-« Arrêtons-nous ici pour nous reposer ! Nous reprendrons la marche ai lever du jour.  » 

-« Qu’il en soit ainsi ! Approuva le jardinier »

Les deux amis partagèrent leurs provisions de route et s’endormirent paisiblement. Au petit matin le barbier alla chercher de l’eau et le jardinier attisa le feu de la vielle. Ils burent le thé et s’apprêtaient à partir quand le barbier dit au jardinier :

-« J’ai avec moi tout ce qu’il faut pour nous tailler la barbe. Je commencerai par toi. »

-« Je veux bien, répondit le jardinier. »

Le barbier commença son ouvrage. Il affûta la lame de son rasoir et commença à raser le poil dru de la barbe de son compagnon. Au niveau du cou, le barbier s’arrêta de raser et pressa la lame tranchante sur la gorge du bonhomme en lui disant : 

-« Que penserais-tu si je te tranchais la gorge ? Personne ne le saurait car nous sommes seuls dans cette contrée déserte. »

-« C’est possible, lui répondit le jardinier ! Tu peux d’un seul geste m’ôter la vie, quand à la nouvelle de ma mort, el sultan des cieux la communiquera au sultan de ces lieux et celui-ci me vengera. »

-« Baliverne ! ricana le barbier. »

Et d’un geste prompt passa la lame sur le cou du jardinier et l’égorgea. Il ramassa ses affaires et avant de reprendre la route, enterra le cadavre du pauvre jardinier.

Il se passa plusieurs années avant que le barbier ne revienne au pays. Il refit la même route et passa devant la tombe du jardinier mort; égorgé par ses soins. Sur le lieu même où il avait enterré le corps, une vigne avait poussé et offrait ses grappes d’une couleur et d’une douceur inégalables.

-« Ah ! se disait le barbier, je n’ai jamais vu de raisin aussi beau en dehors de la saison. »

Il en mangea et décida : 

-« J’emporterai avec moi les plus grosses grappes que j’offrirai au roi pour quelques grâces ! »

Et joignant le geste à la parole, le barbier emplit un sac de belles grappes de raisin de la vigne qui avait poussé sur la tombe du jardinier.

Lorsqu’il offrit le présent au roi, celui-ci émerveillé par la taille et la couleur des fruits hors de la saison. Il demanda alors au barbier :

-« Ces fruits sont miraculeux ! D’où les as-tu cueillis. Je veux la vigne qui les produits et l’endroit où elle a poussé. »

De mauvaise grâce, le barbier dut conduire le roi et son escorte sur le lieu de son crime. L’endroit était sinistrement vide. Aucun arbre, aucune verdure. Seule, la vigne s’élevait et offrait sa verdure et ses grappes vermeilles. Le vizir dit au roi :

-« Creusons sous cette vigne, Nous verrons ce que cachent ses racines ! « 

Le roi partageait le point de vue de son vizir. A la vue des ossements du jardinier le roi dit : 

-« Cette histoire est un mystère que seul toi connais. Alors, raconte et dévoile ce que tu sais. »

-« Sire, répondit le barbier, je viens de comprendre ce que mon compagnon de route et ami m’avait dit avant que je ne l’égorge. »

-« Et que t’avait-il dit ? « 

-« Il m’avait dit : « Essoltan el kébir ioissal khabri li soltan essaghir oua soltan essaghir ikhalsli haki !  » Dieu a fait pousser cette vigne sur la tombe et a fait que moi-même j’en cueille les grappes pour te les offrir et t’informer ainsi de mon crime. C’est toi soltan el hak qui va me punir de mon méfait. »

-« C’est la manifestation de la justice immanente et j’en suis l’exécutant. Tu seras donc punis selon la volonté de Dieu pour que le pauvre jardinier repose en paix ! « 

 

Source : Contes du terroir algérien – Editions Dalimen

Source : gallica.bnf.fr / bibliothèque national de France

 

 

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