Conte – La veuve et ses filles –

On raconte que dans les temps lointains, une veuve vivait seule avec ses sept filles dans une misérable chaumière en dehors de la ville. En ces temps-là, c’était très difficile pour une mère d’élever dans la dignité, ses propres filles. La société la surveillait et jugeait le moindre de ses gestes pour crier au scandale. On ne lui pardonnait rien.

Cependant, courageusement, la mère prit la décision de relever le défi et de protéger ses filles de tous les maux de la société.

Elle était douce de nature et sous ses apparences humble on la devinait capable d’une intelligence profonde. Elle donna à ses filles, le sens des responsabilités et les initia aussi à la résistance face à la tentation. Ses filles restaient fortes et ne faiblissaient jamais devant l’attrait de quelques nouveautés.

Le soir, après avoir partagé le maigre repas, la mère et les filles louaient Dieu pour la force dont il les gratifiait. La mère s’installait alors et autour d’elle, les filles formaient un cercle chaleureux. Elles regardaient toutes leur mère et écoutaient attentivement ce qu’elle leur disait.

La mère avait inventé un stratagème pour donner à ses sept filles le goût du beau. Elle leur donnait cette capacité à trouver dans le rêve tout ce qu’elles ne pouvaient avoir dans la réalité. Chaque soir, elle inventait un conte merveilleux où les méchants étaient punis et où les gentils étaient récompensés.

Dans ses contes, il y avait toujours une belle histoire d’amour où la gentille fille épousait le fils du roi et devenait princesse et la méchante devenait sa servante. Quand elle terminait, elle ne manquait jamais de le rappeler à ses filles.

-«Rappellez-vous, mes beautés, que là où tu te poseras, tu y resteras. Voulez-vous être des princesses ou des servantes? C’est à vous de choisir!»

A cette question chacune des filles faisait le choix attendu et répondait:

 -«Princesse!!»

Alors la mère souhaitait de beaux rêves à ses filles et s’endormait, tranquillement. Le matin autour du café, chacune lui racontait son rêve. C’était l’enchantement où chaque fille entraînait la mère et les sœurs dans le luxueux châteaux en compagnie de princes et de rois. La mère heureuse, disait alors à ses filles: 

-«Le rêve c’est l’annonce d’une réalité à venir : vous serez des reines mes filles!»  

Le temps passait ainsi entre un quotidien misérable et le rêve d’une vie de château jusqu’au jour où un beau cavalier se présenta devant la demeure de la veuve pour demander son chemin, car en poursuivant une gazelle, il s’était égaré.

La mère l’invita à descendre en lui offrant l’hospitalité de rigueur. Elle s’occupa du cavalier et de sa monture. Curieux, le beau cavalier demanda à la veuve:

«Vivez-vous seule dans cet endroit retiré?»

-«Non! Mon beau prince, je vis avec mes sept filles que je préserve des maux de la société.»

Intrigué, le cavalier voulut en savoir plus:

«Où sont donc vos filles, demanda le cavalier?» 

-«Chez l’ogresse, notre voisine: elle les protège en mon absence.»

Mais le cavalier ne put reprendre la route. Il se cacha et attendit. Lorsqu’il aperçut l’aînée, il crut avoir vu la plus belle lune par un soir d’été, lorsque la deuxième parut, il crut voir le soleil le plus resplendissant et lorsque les plus jeunes suivirent, il crut voir de merveilleuses étoiles brillantes.

Il alla retrouver ses amis, tous prince de nobles et riches familles, pour leur conter le prodige qu’il venait de vivre. Intrigués, les princes voulurent connaitre la chose. Lorsqu’ils arrivèrent aux abords de la maison de la veuve, ils se cachèrent et attendirent toute la nuit.

L’aurore pointa et avec lui l’aînée des filles. L’un des princes cria:

«Je la veux pour épouse!»

Lorsque le soleil brilla dans le ciel, la cadette fit son apparition et le deuxième prince cria:

«C’est elle qui sera ma reine!»

Les autres attendirent la nuit et virent apparaître une à une les autres filles de la veuve en même temps que les belles étoiles dans un ciel de velours. Chaque prince en choisit une et tous se présentèrent devant la veuve pour lui demander ses filles en mariage.

«J’en suis honorée, beaux princes, leur répondit-elle!»

Le rêve devient réalité et chaque prince fit d’une fille une princesse et la mère avant de mourir rappela à ses filles de ne jamais oublier la leçon:

-«Tu n’auras que la place que tu auras choisie!»

 

Source: D’aprés  le livre «Contes du terroir Algérien» Volume 1,  Editions DALIMEN

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