La chance ou la beauté ? La chance est-elle innée ? Est-elle réservée à quelques personnes bien nées ? Mais comment faire quand on en maque cruellement ?
Deux femmes vivaient sous le même toit. L’une s’appelait Meriem et l’autre Batoul. Autant l’une était laide autant l’autre était belle. Autant l’une était riche autant l’autre était pauvre. Autant l’une était aimée et choyée autant l’autre passait inaperçue. Pour tout dire Meriem était mariée à un riche négociant qui l’aimait passionnément, Batoul était à son service.
Meriem quittait rarement son lit. Elle souffrait d’un mal inconnu qui la rongeait depuis quelque temps déjà. Son mari très attentionné fit venir à son chevet, tous les médecins d’Orient et d’Occident. Mais Meriem dépérissait chaque jour.
Batoul, elle, était forte et vigoureuse. Elle s’acquittait parfaitement de toutes les tâches de la maison et prenait soin de sa maîtresse avec un dévouement total, mêlé de reconnaissance car Meriem l’avait accueillie quand elle s’était retrouvée seule et sans protection.
Un jour sentant sa mort prochaine, Meriem demanda à Batoul de lui apporter son coffret. Batoul s’exécuta et Meriem ouvrit délicatement la boîte pour en retirer, au grand étonnement de sa servante, des ciseaux avec lesquels elle coupa une mèche de sa frange.
-« Tiens, dit-elle à Batoul, en lui tendant la mèche, garde-là près de ton corps. Promets-moi de ne jamais quitter cette maison. »
-« Je te le promet, Lalla, répondit Batoul. »
Une fois seule, Batoul examina l’étrange cadeau que lui fit Meriem. Elle n’eut pas le temps d’en savoir plus sur cet acte car Meriem rendit l’âme aussitôt après. Cette disparition plongea la maison dans un grand deuil. Batoul comme promis, continua de servir son maître et de s’occuper de la riche demeure dont elle connaissait le moindre recoin.
Un an, puis deux, puis trois, passèrent sans que le maître des lieux ne retrouvât le sourire. La disparition de Meriem l’avait affecté au point où son état inquiéta ses amis qui entreprirent de l’aider en lui proposant en mariage, les filles des plus honorables familles de la ville.
Sans répondre à toutes ces propositions, il continuait de mener une vie austère et sans surprise. Il entrait et sortait de chez lui, sans jamais remarquer la présence de Batoul, pourtant si belle et si dévouée. Son indifférence exaspéra la jeune fille.
Le comble est qu’il se remarie avec une autre, se dit-elle. Que ferais-je alors de la promesse que j’ai faite à la pauvre Meriem, si la nouvelle épousait me chassait ?… A SUIVRE
Source : Contes du terroir Algérien – Editions Dalimen
El Goussa : la frange