Sinistre nom durant les premières décennies de la colonisation, c’est sous Bugeaud que les razzias et les enfumades auront lieu.
Le général Bugeaud est envoyé en Algérie avec la double mission de combattre l’Emir Abdelkader et de faire la paix avec lui. Il remporte un premier succès à la Sikkak, en juillet, mais la résistance des Algériens le contraint à signer le traité de la Tafna avec l’Emir l’année suivante.
Alors qu’il est peu favorable à l’extension de la conquête et qu’il déplore une «possession onéreuse dont la nation serait bien aise d’être débarrassée », Bugeaud deviendra un sinistre personnage dans l’histoire de la colonisation. En effet, nommé gouverneur général de l’Algérie par le ministre Thiers en 1940, Bugeaud endossera, entre autre crimes, les enfumades du Dahra et les razzias, dans ce qu’on nomme « la politique de la terre brûlée ».
Dès son arrivée à Alger, Bugeaud adresse une proclamation aux européens pour leur expliquer qu’il avait été l’adversaire de la conquête absolue en raison des moyens humains et financiers qu’elle exigeait, mais qu’il s’y consacrerait désormais tout entier ; et une autre à l’armée pour dire que son but n’était pas de faire fuir les Arabes, mais de les soumettre.
Bugeaud finira par disposer de plus de 100 000 hommes. Entouré des généraux, La Moricière, Changarnier, Bedeau et Cavaignac, il emploiera de nouvelles méthodes de guerre inspirées de son expérience dans la lutte contre les partisans pendant la Guerre d’Espagne. Il allégea l’équipement des soldats, remplaça les voitures par des bêtes de somme, mit l’artillerie à dos de mulet. Les troupes furent divisées en colonnes mobiles ; elles pourchassèrent les résistants algériens par une incessante offensive et, pour les affamer, firent le vide devant eux, incendiant les villages, raflant les troupeaux. C’est la politique de la terre brûlée. Pour Bugeaud « Le but n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, [.] de jouir de leurs champs [.] Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes [.], ou bien exterminez-les jusqu’au dernier. »
Cette période dite de la « pacification » de l’Algérie, connaitra donc ses épisodes les plus sanglants par ce qui sera appelé par les historiens « les enfumades ».
En 1843, suite à la résistance faite de harcèlement, d’embuscades par la tribu des Ouled Riah : la réaction des troupes françaises dépassera les normes de la guerre conventionnelle, mais aussi de l’horreur. Le général Bugeaud et ses troupes se lanceront contre la tribu des Ouled Riah, alliés de Boumaza.
Après des combats violents, hommes, femmes et enfants soit près d’un millier de personnes se réfugient dans une grotte du Dahra de cent quatre-vingt mètres, considérée comme imprenable et qui a déjà servi d’abri par le passé.
Les directives de Bugeaud sont formelles: « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, fumez-les à outrance comme des renards. »
Ce qui se produit. Pris au piège, les réfugiés envisagent un moment de demander l’aman. Les négociations ayant échoué, Pélissier, afin de précipiter le dénouement, fait allumer un brasier à l’entrée de la caverne. Un courant d’air active le foyer et entraîne à l’intérieur un flux brûlant de fumée. Le lendemain, près de 500 morts, de tous âges et tous sexes, asphyxiés, seront dénombrés, 760 selon un officier espagnol attaché à l’état-major de Pélissier, un millier selon d’autres sources.
Révélée, cette affaire secoue la Chambre. Bugeaud couvre son subordonné. Le ministre de la Guerre ne le désavoue pas.
Deux mois après, intervient une tragédie identique dans le nord du massif. Les Sbea ont cherché refuge dans une autre grotte. Faute de possibilités de conciliation, Saint-Arnaud fait murer les entrées et n’en dissimulera pas les résultats : « Le 12, je fais hermétiquement boucher les issues, et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n’est descendu dans les cavernes, personne… que moi ne sait qu’il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français. » Un rapport confidentiel a tout dit au maréchal, simplement, sans poésie terrible ni images. Il ajoute: « Ma conscience ne me reproche rien. J’ai fait mon devoir de chef, et demain je recommencerai, mais j’ai pris l’Afrique en dégoût. »
Le dossier des emmurés de Saint-Arnaud restera confidentiel. Paris n’en apprendra rien sur-le-champ. Par contre, les tribus voisines n’ignoreront pas le sort de leurs coreligionnaires.
Les méthodes de Bugeaud ont beau être désavouées par certains, ces crimes commis avec sa bénédiction, dénoncés par d’autres, des honneurs et des distinctions lui seront décernées à plusieurs reprises. Grand-croix de la Légion d’honneur, maréchal de France, haut commandement et plusieurs hommages posthumes.
Synthèse Babzman
Sources :
- Olivier Le Cour Grandmaison, « Coloniser Exterminer », Fayard, 2005.
- Jean-Pierre Bois, « Bugeaud, le conquérant », La Nouvelle Revue d’Histoire, no 4H, printemps-été 2012.
- refelxiondz.net.