En désertant, l’aspirant Henri Maillot permis d’emporter un camion militaire chargé d’un très important matériel de guerre ; de quoi armer deux Katibates et plusieurs groupes de Fidayines.
Le mercredi 4 avril 1956 de bonne heure, un camion Ford à cabine avancée quittait son unité de Miliana pour se rendre à l’arsenal d’Alger, rue de Lyon, à Belcourt.
Il était commandé par l’aspirant Henri Maillot et comprenait, outre un chauffeur, soldat du contingent arrivé depuis deux mois de la métropole, une escorte de six hommes. Le camion déposa comme prévu un chargement de matériel usagé et chargea un armement important. Ce travail effectué, le camion devait regagner Miliana par l’itinéraire habituel, c’est-à-dire par la route de la Mitidja, mais l’aspirant de réserve, Henri Maillot, prétextant le désir de rendre visite à sa famille qui réside à Alger, au clos Salembier (El Madania), laissa les six hommes de l’escorte en ville « pour quelques instants seulement » leur dit-il.
Il invita le chauffeur à prendre la route du littoral. Celui-ci n’y vit aucun inconvénient d’autant qu’il ne connaissait pas la topographie d’Alger et qu’il était couvert par son chef. Arrivé à Baïnem, Maillot demanda au chauffeur de tourner à gauche et de s’engager dans la forêt. À hauteur de l’église de Notre Dame de la forêt (aujourd’hui mosquée Al Ghazali) chemin de la forêt de Baïnem, Maillot intima : « Tourne ici et grimpe ». Intrigué, le chauffeur exécuta pourtant l’ordre qui lui était donné. D’ailleurs, Maillot rassuré par le paysage vide de toute présence humaine, décidait de passer aux actes.
Le chauffeur Doumergue éberlué vit cette chose incroyable, son officier qui, dégainant, le menaçait de son arme. Le soldat, bien plus stupéfié qu’effrayé, guidait son camion sur la route tortueuse qui grimpe dans la forêt de Baïnem. La maison forestière qui se dresse à environ deux kilomètres de la route nationale était dépassée à 12 heures. Le fils du gardien forestier vit lui-même le camion qui grimpait la côte, le Ford changea de direction deux kilomètres plus haut.
C’est à cet endroit que le coup préparé depuis longtemps allait être mis à exécution.
La chaussée se sépare en trois tronçons. L’un allant vers Bouzaréah, le second, vers Chéraga Guyot ville (Ain Benian), le troisième descendant sur les Bains Romains. C‘est ce chemin que venait de laisser le camion. Cinquante mètres en contrebas, vers Chéraga, un chemin quitte la route et se perd dans les broussailles, la voie creusée de fondrières, transformée par endroits en bourbier ne se prête pas à la manoeuvre d’un poids lourd. C’est pourtant là que l’aspirant Maillot fit tourner le Ford cent cinquante mètres plus loin, en descente, tournant « le dos » à la route.
Le camion fut arrêté. Un homme surgi des fourrés qui forment avec les Pins et les Chênes rabougnis un véritable « maquis » fit irruption devant le capot. Tout devait s’arrêter là pour le chauffeur qui fut ligoté et bâillonné après avoir été consciencieusement chloroformé. Il devait se réveiller quelques instants plus tard, étendu sur le sol devant son Ford autour duquel nulle présence humaine ne se manifestait. La trace des roues a permis de conclure que le second camion avait été amené en marche arrière. Sa ridelle venait de toucher la plate-forme arrière du Ford.
Jouissant d’une chance inouïe, les « terroristes » se trouvaient également à peu de distance d’un détachement de militaires qui dans les environs effectuaient des exercices. Il est probable que les « bandits » ignoraient cela sans quoi il est permis de supposer que le déchargement des armes eut été différé.
Toujours est-il que, malgré la proximité de plusieurs personnes et en plein jour, l’aspirant et ses camarades accomplirent le plus tranquillement du monde leur besogne. Et comme pour ajouter à l’invraisemblable de cette situation, les « terroristes », poussés par un dernier scrupule que personne ne s’explique, laissèrent au chauffeur militaire son arme. Reprenant le chemin qu’il avait parcouru, le camion anonyme disparaissait dans la nature devenue soudain le complice de cet extraordinaire coup de main. C’était le mercredi 4 avril 1956 à 13 heures, à huit jours du mois de Ramadan.
Henri Maillot dont personne ne pouvait deviner qu’il cachait sous sa modestie et sa gentillesse la trempe d’un héros. L’idée a germé en lui de fomenter un coup d’éclat et il a décidé d’en faire part à son ami Oudaï qui l’a aussitôt mis en contact en janvier 1956 avec Bachir Hadj Ali.
Maillot a fait un choix que d’autres pieds noirs de mêmes convictions idéologiques n’ont pas osé faire, comme Albert Camus par exemple.
Quoique tous les deux, en des époques bien différentes, étaient des militants communistes d’Algérie et ont travaillé à Alger républicain. Mais au sujet de la guerre d’Algérie, ils ont divergé fondamentalement. Camus a choisi de défendre sa mère (la France officielle) aux dépens de la justice (la cause juste du peuple algérien).
Henri Maillot, lui, est allé jusqu’au bout de ses idées, jusqu’au sacrifice suprême. L’histoire officielle se fait discrète à son sujet, les jeunes générations de l’époque ne l’oublient pas.
Source :
- M.TAHAR EL-HOCINE, Alger républicain, avril 2006
4 commentaires
Beaucoup de pieds noirs se consideraient comme de vrais algeriens, Beaucoup ont participés a la revolution mais helas en ce 5 juillet 1962 a Oran beaucoup de ceux qui etaient fiers d’ etres algeriens et qui sont restés ont été lachement assassinés , egorgés(petit lac est devenu leur tombeau) et leur biens pillés et confisqués.Leur seul tort c’ etait d’avoir voulu rester dans leur pays et de participer à la liberation de l’ algerie.Ceux là aussi il faut en parler.
Nous leurs dédions un dossier, qui paraîtra prochainement.
nous vous remercions pour votre participation.
Au plaisir de vous relire.
merci pour votre article et surtout pr nous rappeler que mm des Français ont défendu ce cher pays mais qu’en est il de nos jours?!qulqus algériens qui n’ont d’Algérianité malheuresement que par le nom ont mis l’Algérie à genoux et il persistent à saccager encore plus profitant d’un peuple brave genéreux mais pas naif.encore une fois merci
Orméta sur les Algériens d’origine européenne qui se sont battus pour l’indépendance du pays et particulièrement lorsqu’ils sont des militants du Parti Communiste Algérien. Le nationalisme obtus et chauvin considèrent ces martyrs de seconde zone parce qu’ils ne sont pas de confession musulmane et « purs Algériens » malgré les sacrifices consentis allant jusqu’au martyre.