Carnet de voyage : l’assihar, un rendez-vous au gré du troc

Les vélos mis en location à l’entrée du marché d’Assihar nous renseigne sur l’ampleur des lieux. Ce marché emblématique de la ville de Tamanrasset est un haut lieu chargé d’Histoire et de curiosités; et les yeux venus du « tell » et d’ailleurs, n’y sont pas familiers.

Radio Niger retentit, nous ne sommes pas si loin des frontières. Des grillons grillés proposés à la vente, et à la consommation…je n’en avais jamais goûté auparavant! Sur mon chemin, je croise également des feuilles séchées d’hibiscus pour préparer le très prisé breuvage de l’Afrique de l’ouest : le bissap. Sur les étals, on trouve aussi des ananas, noix de coco, épices, mais aussi des étoffes de la région… Assihar représente la cristallisation des brassages cultuels, qui fait de Tamanrasset le trait d’union africain.

Assihar signifie «rendez-vous» en tamasheq, explique Zahara, ma guide. Il abrite une manifestation économique éponyme, qui perdure depuis le  Moyen âge : le troc. Plus qu’un outil économique, ce fait social fut signalé en Afrique depuis le néolithique, et a pris tous son sens avec l’apparition de l’agriculteur et la domestication du bétail. A ce moment-là, le troc devint une nécessité! Par ailleurs, le commerce transsaharien à caractère politico-économique s’intensifie et se développe à partir du Moyen Age; reliant ainsi des villes réseaux, telles que Kidal, Agadez, Beni Mzab et Sijilmassa. Le développement et l’essor des pôles religieux fut intiment lié à l’axe caravanier, comme il est le cas pour Le Grand Touat ainsi que Tombouctou.

Je croque un savoureux bout de noix de coco en poursuivant ma balade, songeuse à la vie d’antan. Plus tard, j’appris que le produit le plus prisé fut  «Le sel de Gemme », surnommé l’or blanc. Il était acheminé à travers la Route du Sel  depuis  Bilma au Niger, pour être troqué contre le mil, du blé ou encore des dattes, du cuivre, des livres et bijoux. A l’air de la mondialisation, les produits ont perdu de leur caractère «exotique». Les articles électroménagers et quelques chinoiseries sont proposés à la vente, même si on peut toujours tomber sur les « vestiges » du marché d’autrefois, en croisant sur les étals :  de l’ambre, du thé, ou autres orfèvrerie et maroquinerie. Je poursuis ma quête à la recherches des étoffes du tisseghness et pagnes, ces beaux tissus qui drapent les femmes de sensualité, des deux rives du Sahel.

Ce voyage dans le temps m’a donné faim; j’assouvis mon appétit en dévorant, une mainama, cette belle viande fumante cuite à l’étouffé sur des braises, spécialité malienne dont raffolent tous les habitants de Tamanrasset; toute ethnie confondue. Je quitte le marché les bras chargés de tissus, bijoux, d’épices et de patte d’arachide pour préparer le maffé (cuisine sahélienne). Cette citation de l’économiste Jean Michel Servet  a fait échos à mon expérience au sein de l’Assihar : « Il est possible qu’une société fonctionne parce que les individus commercent ».

 

 

Leila A.

 

Sources et bibliographie  :

  1.  Le sel du désert de Odette Du Puigaudeau (Phébus/libretto-2005)  
  2.  Youssef Ragheb, « Les marchands itinérants du monde musulman », Voyages et voyageurs au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, p. 177-215

 

Articles similaires

Le Tanezrouft, le pays de la soif – suite et fin

L’architecture néo soudanaise au Touat, suite et fin

Siga, la dimension ludique et sociale du jeu chez les Reguibets de Tindouf, partie I

1 Comment

ghazi kebache 1 mai 2017 - 7 h 58 min

L’Assihar N’Haggar, a été crée par l’ONAFEX en 1975.CE même organisme organisait avant cela le Mouggar de Tindouf.Stoppé par les troubles à la frontière, il fallait trouver un autre pôle et nous avons pensé à Tam, en réveillant ce vieux marché de troc qui existait depuis des siècles.Il fallait à l’époque contribuer au désenclavement du Sud, et nous avons introduit en relations avec les élus et autorités locales, une approche de distribution de produits fortement demandés et utilises par les populations de la région.Un arrêté conjoint Ministère du Commerce et Ministère des Finances fixait la liste des produits admissibles et les conditions de ventes. Le succès et l’écho auprès des habitants a été immédiat Mais au fil des années, cette liste a été dévoyée jusqu’à se transformer en arreté officiant le trabendisme.En 1982, ce système a été complètement annulé, arretant ainsi les importations qui venaient à l’époque de Hong-Kong, de Taïwan, d’Inde.La voracité de certains commerçant étant sans limite et j’en connais qui sont devenus archi-milliardaires grâce à ce système..

Add Comment