Boutin, un espion de Napoléon à Alger 

L’agent secret Vincent-Yves Boutin séjourne à Alger en 1808 pour y étudier l’éventuel débarquement français et l’établissement définitif d’une colonisationUne rue – actuellement Tounes Hocine – a porté son nom dans la basse Casbah. 

 

Dans son rapport – Reconnaissance des forts et batteries d’Alger –, complété par un atlas de quinze cartes et plans, le colonel Boutin met en évidence que Sidi Ferruch – plage ouest – est le lieu idéal pour un débarquement, décrivant la meilleure manière d’attaquer les positions de défense à Alger et les forces du dey, non sans conseiller le respect des personnes et des biens. Ce rapport, remis le 18 novembre 1808 à l’amiral Decrès, ministre de la Marine et des Colonies, est ainsi décrit par François Charles-Roux : « C’est un document capital, qui constitue la première étude compétente des conditions d’une expédition militaire contre Alger, le premier exposé méthodique des données nécessaires à connaître pour l’entreprendre et avec lequel aucun mémoire antérieur, même utile, ne supporte la comparaison ». 

Jugé satisfaisant par Napoléon qui a déjà envoyé son espion attitré à Constantinople (actuellement Istanbul en Turquie), en 1807 (et plus tard en Egypte et en Syrie, 1811), ce rapport sera quand même classé aux archives de l’armée. Car l’empereur a renoncé à son projet de contrecarrer l’influence de l’Angleterre et son commerce pour faire de la Méditerranée un « lac français », il s’attellera à d’autres tâches prioritaires.  

 Le 24 mai 1808, l’officier du Génie Vincent-Yves Boutin débarque à Alger, incognito, du brick Le Requin. Accueilli par le proche parent, le consul Dubois-Thainville comme agent commercial, il effectue, jusqu’au 17 juillet, sa mission tout en bravant l’interdiction d’accès aux « roumis » à une grande partie de la ville. Promeneur, chasseur et pêcheur entre Sidi Ferruch et Cap Matifou, il est suspecté par le dey et risque des sanctions. Il finira par noter toutes ses observations sur ses reconnaissances du port et des fortifications d’Alger, y compris la route entre Sidi Ferruch et la capitale. Vingt ans plus tard, son rapport est redevenu une référence, un guide pour la possibilité de « conquérir » Alger. 

Les indications de Boutin seront suivies à la lettre. Ce dernier n’assistera pas au débarquement. Il est victime d’une mort mystérieuse – assassiné ? – en avril 1815, lors de sa mission en tant qu’expert du Génie en Egypte et en Syrie.   

 

Mohamed Redouane 

 

Sources 

  1. Reconnaissance des villesforts et batteries d’Alger par le chef de bataillon Boutin (1808), Bibliothèque du service historique de l’Armée, Vincennes.  
  2. Boutinpionnier de l’Algérie française et espion de Napoléon de Jean Marchioni (ed. Gandini, 2007).  
  3. Aperçu historiquestatistique et topographique sur l’état d’Algerà l’usage de l’armée expéditionnaire d’Afrique (Paris, 1830).  
  4. Illustration : Une reconnaissance générale d’Alger effectuée en 1808 par Vincent-Yves Boutin. Photo Service historique de la Défense

 

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