Amar AIT ZAÏ a d’abord promené ses doigts sur le manche du banjo avant d’adopter le mandole quand il fut consacré chanteur.
Il n’a jamais été un amateur et a commencé sa carrière de plein pied en professionnel. En effet, il s’est vite aligné avec les grandes figures des années 1965 comme EL ANKISS dont il imita le genre à ses débuts.
Il a vite jailli comme un éclair parmi les plus étincelants par sa voix cristalline et les vibrations des cordes de son mandole. J’ai eu la chance de voir AMAR EZZAHI jouer de la derbouka. C’est dire sa maîtrise de plusieurs instruments. Mais c’est surtout ses improvisations mélodieuses qu’il se distingua des autres chanteurs. Pourquoi ? Le talent bien sur, mais son ouverture à d’autres musiques berbères, occidentales, andalouses, voire même hindouistes.
Pour détacher le regard des chanteurs « chaâbi » mythiques d’hier et d’aujourd’hui, il est temps de parler des monuments vivants tels que notre Amar EZZAHI. Car chez nous, les documents portraits nous manquent honteusement et comme dit l’adage : de son vivant, il rêvait de goûter à une datte mais lui en on lui offrit un régime.
Ramassé sur lui-même, la toison un peu plus blanche avec le temps, vous le trouverez assis sur son siège de fortune. Dans ce quartier qui lui sert d’univers quotidien, il a du changer de place plusieurs fois, non par lassitude ni dégoût, mais parce qu’il a horreur de ces gens qui viennent déblatérer des bribes d’une poésie qu’ils ne comprennent pas ou répandre leurs gamineries au sujet du dernier match de foot algérois. C’est pourquoi il n’attend personne bien que beaucoup aimeraient lui parler. D’aucuns vous diront qu’il est peu loquace, qu’il a l’humeur changeante, qu’il est difficile d’accès. Mais ils ne savent peut-être pas qu’il ne s’accorde de sortir de son mutisme que si vous abordez un sujet de réflexion philosophique ou encore la vie mythique ou mystique d’un HALLADJ ou d’un BEN MSAYEB. Rares sont ceux qui connaissent son humour cinglant et sa pertinence. Et sa générosité légendaire sur laquelle il tient à ce qu’elle reste discrète ?
Mais ce n’est que quand il chante qu’on le découvre, que son public qui ne trouve pas d’explication à ses échappées s’approche des traits de son talent souligne les traits de son talent.
Il faut avouer que parmi toute cette faune de « chiakhs » qui s’est improvisée et les réputations surfaites de porteurs de mandoles et de guitare sèche, en babouches marocaines ou en survêtements aux couleurs du club préféré, il est indéniablement le plus proche de la grande vérité du « chaâbi ». Une vérité que très peu de gens palpent tant le chemin qui y mène est ardu et donc passionnant.
EZZAHI se vautre depuis plusieurs dizaines d’années dans cet océan de poésie mystique, bachique, satirique enfin aux mille visages et aux mille tempêtes. Il a cette faveur de chanter Mohamed BENSLIMANE, ce Boris VIAN du « melhoun » mort à l’âge de 33 ans après avoir vécu intensément et vite, cet orfèvre de mots, cette source inépuisable d’allégories et de métaphores. Et quel privilège encore pour EZZAHI que de faire parler le maître de BENSLIMANE, Mohamed Chérif BENALI OUELD ERZINE qui a consacré une grande partie de son « diwan » à regretter le départ de son élève vers un nouveau protecteur, cheikh Mohamed ENNEDJAR. Il a aussi la chance d’exprimer la foi inébranlable de Lakehal dit Lakhdar BENKHLOUF. Grâce à EZZAHI entre autres, vous découvrirez le dialogue qu’a eu la bougie avec le poète ESSOUIRI qui a su essuyer ses larmes et la réconcilier avec la beauté dans la fameuse chanson « bellah aâlik ya echemaâ »…
A suivre
Dr Rachid MESSAOUDI.