Mohamed Lamine Debaghine était une grande figure du mouvement nationaliste. Député à l’Assemblée nationale française, il a osé parler de l’Algérie en tant que nation, en 1946.
Né à Cherchell le 24 janvier 1917, Lamine Debaghine est issu d’une famille relativement aisée, son père tient un restaurant à Alger. Lettré en arabe, après des études secondaires, il obtient une bourse lui permettant de s’inscrire en faculté de médecine où il obtiendra un doctorat en médecine. A la faculté d’Alger il devient l’un des organisateurs de l’Association des Étudiants Musulmans Nord-Africains (AEMNA) et adhéra au Parti du Peuple Algérien (PPA) en 1939.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, il refuse de s’engager pour la France, mais affirme clairement sa position contre les régimes fascistes d’Allemagne et d’Italie.
Durant cette période, il tente de réorganiser le PPA clandestin. Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, Mohammed Lamine Debaghine participe à la rédaction du Manifeste du peuple algérien et à la restructuration du mouvement nationaliste révolutionnaire.
Et en 1943, il impulse un mouvement contre la conscription obligatoire à Blida. Arrêté avec plusieurs militants, dont Benyoucef Ben Khedda, il est supplicié au cours d’interrogatoires où, pour la première fois, la torture est utilisée de manière « méthodique » contre des militants nationalistes algériens. Après une forte mobilisation, il est libéré en décembre 1943 avec l’ensemble des «insoumis de Blida».
En 1944, il ouvre un cabinet médical à El Eulma, dans la région de Sétif. Mais poursuit son activité à la tête du PPA en l’absence de ses fondateurs.c’est ainsi qu’il est recherché lors des événements de mai 1945. Mais Mohammed Lamine Debaghine réussi à échapper à la police. Et après l’amnistie de mars 1946, il reprend son activité publique bien que le PPA reste toujours une organisation clandestine interdite par les autorités coloniales.
De retour en Algérie, Messali Hadj, qui avait été déporté à Brazzaville au printemps 1945, réussi à imposer le principe de participation aux élections législatives prévues pour le 10 novembre 1946 alors que la majorité des membres de la direction du PPA y sont opposée. Adversaire de cette participation, Mohammed Lamine Debaghine garde le silence au cours des débats et, par discipline de parti, se présente dans le département de Constantine. Ne pouvant pas être candidat sous l’étiquette du PPA qui est toujours interdit par l’administration coloniale, les militants nationalistes créent des listes intitulées « pour le Triomphe des Libertés Démocratiques ». Mohammed Lamine Debaghine est ainsi élu député de la deuxième circonscription de Constantine.
Le 20 août 1947, les députés du MTLD, qui contestent le droit d’une assemblée française à légiférer sur des questions propres à l’avenir de l’Algérie interviennent à la tribune de l’Assemblée Nationale française pour dénoncer la domination coloniale. L’intervention de Mohammed Lamine Debaghine est dirigée contre l’idéologie coloniale qui conteste l’existence d’une nation algérienne. Elle est également dirigée contre l’idéologie coloniale « peinte en rouge » qui affirme, selon la terminologie du secrétaire général du PCF, Maurice Thorez, que l’Algérie est une « nation en formation » devant naitre du « mélange de vingt races ». Contre toutes ces théories coloniales, Mohammed Lamine Debaghine affirme la réalité de la nation algérienne en se fondant sur son histoire. De cette existence de la nation algérienne, il déduit son droit à l’autodétermination, et donc à la libération et à l’indépendance. Cet argumentaire est au centre du discours politique du mouvement nationaliste algérien.
Cette même année, Debaghine entre en conflit avec la direction de l’organisation nationaliste, contestant sa ligne politique qu’il juge trop « réformiste ». Il parcourt l’Algérie pour convaincre les militants de la nécessité d’une réforme du parti et de sa ligne politique. Bénéficiant du soutien des jeunes «révolutionnaires » du Parti et devenant de plus en plus important au sein de l’organisation, Messali Hadj le considère comme son principal concurrent.
Mohammed Lamine Debaghine envoie finalement sa démission de Tunis, précédant l’exclusion prononcée par le Comité Central le 1er décembre 1949.
Après sa « démission-exclusion », Mohammed Lamine Debaghine garde des contacts au sein du PPA-MTLD mais ne poursuit pas son activité militante. A la veille du 1er novembre 1954, il décline l’offre du CRUA de prendre la tête du FLN.
Arrêté le 24 juin 1955, il est inculpé « d’association de malfaiteurs » par les autorités coloniales françaises. Il passe six mois en camp d’internement et, dès sa sortie, reprend contact avec le FLN. C’est Abane Ramdane qui lui fait réintégrer la vie politique en l’appelant à ses côtés à la fin de l’année 1955.
Il quitte l’Algérie le jour même où le préfet de Constantine l’assigne à nouveau à résidence. Il séjourne quelques temps à Paris, puis rejoint le Caire. Il y est nommé responsable de la Délégation extérieure du FLN, membre titulaire du CNRA au Congrès de la Soummam en août 1956, du CCE élargi en 1957 et devient le Premier ministre des Affaires Etrangères du GPRA en septembre 1958.
Opposé à Ferhat Abbas et à Abdelhafid Boussouf, réprouvé par Ben Bella et Boudiaf alors en détention, Lamine Debaghine est éliminé du devant de la scène politique à la fin de l’année 1959. D’autres sources affirment qu’il a démissionné le 15 mars 1959.
Après l’indépendance, Mohammed Lamine Debaghine reste toujours en retrait de la vie politique et rouvre son cabinet de médecine à El Eulma.
Mohammed Lamine Debaghine est décédé le 20 janvier 2003 à Alger, à l’âge de 86 ans, des suites d’une attaque cérébrale. Il est enterré au cimetière de Sidi M’hamed d’Alger.
Synthèse K.T.
Sources :
« Dictionnaire encyclopédique de l’Algérie », par Achour Cheurfi. Editions ANEP 2007
« Mohammed Lamine Debaghine : ‘’l’Algérie est une Nation’’ », par Youssef Girardin le Quotidien d’Algérie du 25 août 2011 (https://lequotidienalgerie.org)