Le Mausolée de Beni-Rhénane, vient d’être classé Monument national (JO du 16 mars 2014) suite à la mobilisation d’associations locales appuyées par des spécialistes algériens.
Ce classement doit normalement se prolonger par la « mise en sauvegarde » du monument. En effet le tombeau ne cesse de se détériorer. Il est à la merci de pilleurs qui cherchent, encore et toujours, une hypothétique chambre secrète contenant un trésor. La dernière incursion en janvier 2014 d’individus, armés une fois de plus de pics et autres instruments de destruction, a causé au monument, déjà très atteint, des dégâts considérables.
Suite à cet évènement, la création d’un collectif, le lancement d’une pétition, la menace par M. Belkeddar Zoheir d’entamer une grève de la faim, la parution d’articles dans la presse,… ont fini par réveiller les autorités concernées. Des mesures conservatoires ont donc été prises par M. Chennoufi Brahim, conservateur en chef du patrimoine culturel de Tlemcen et responsable des sites et musée de Tlemcen, et notamment Le recrutement de deux (02) gardiens pour le site, la réalisation d’une clôture…
Après l’inscription du monument au patrimoine national, la vigilance reste de mise pour que les travaux de sauvegarde suivent sans tarder et permettent de pérenniser un des hauts-lieux de la Numidie antique.
LE MAUSOLEE ROYAL DE BENI-RHENANE
Le monument, situé près de l’ancienne capitale du roi Syphax : Siga (Aîn Temouchent), se dresse sur une éminence dans la vallée de la Tafna. Il fut dégagé et fouillé par G. Vuillemot au début des années soixante. Avant cette date, il était enfoui sous un volumineux amas de blocs de pierres que les habitants de la région désignaient sous l’appellation de « Kerkoub El ‘araïs » que l’on peut traduire par « le Dôme des mariées » (une tradition locale consistait à ce que les futures mariées fassent plusieurs fois le tour de l’amas de pierres pour assurer prospérité et pérennité à leur mariage).
La dénomination adoptée par Vuillemot est «Le Mausolée Royal de Beni Rhénane », selon le toponyme de la plus proche ferme située en contrebas (aujourd’hui village de Beni-ghanem (Commune Emir Abdelkader).
Le monument est composé de deux parties distinctes : une structure aérienne en pierre de taille et un souterrain (hypogée).
1- la structure aérienne
Le sol autour du monument est recouvert d’un épais dallage sur lequel prend forme une série de gradins que surmonte un massif de maçonnerie à huit assises. Cette élévation (5 m) dessine un hexaèdre irrégulier avec alternance de faces concaves et planes.
Les pierres et les éléments d’architecture qui gisent autour du monument permettent d’avoir une idée assez précise de la forme du mausolée avant sa démolition. Il s’agissait, selon F. Rakob (du Musée Rheinisches de Bonn), d’une imposante tour (17 m) coiffée à son sommet d’un édicule pyramidal. La hauteur d’origine du mausolée était ainsi de 30m. Des éléments de décoration empruntés à l’art grec (demi-colonnes, chapiteaux, corniche et acrotères), ornaient les façades du monument.
2- La partie souterraine
Le souterrain est une longue galerie (45 m) serpentant dans la limite externe du dallage selon le schéma suggéré par la structure aérienne (alternance de côtés courbes et droits). A l’origine, cette galerie était répartie en trois compartiments cloisonnés. On accédait à chaque compartiment, séparément, par l’intermédiaire d’un puits donnant sur une porte à herse. Aujourd’hui, il est permis de parcourir la galerie, d’une extrémité à l’autre, en raison des ouvertures pratiquées dans les murs de cloisonnement par des pilleurs.
Des ossements et un maigre mobilier funéraire cassé, éparpillés dans les chambres et à l’extérieur du monument, sont des indicateurs de la destination sépulcrale du monument. La multiplicité des chambres (au nombre de 10) montre le caractère collectif du tombeau. C’est, vraisemblablement, une tombe dynastique des rois et aguellids Massaesyles qui régnèrent sur la région et dont le roi Syphax ((v. 250 – v. 202 av. J.-C.) fut le plus important.
Selon le constat de G. Vuillemot, le monument a fait l’objet d’une destruction volontaire dés l’Antiquité probablement lors de l’annexion de Siga au royaume maure de Bocchus II en 105 avant J.C.
Le Mausolée a subi de nouvelles profanations en 2004 et en 2014 lorsque des individus, armés de pics, s’acharnèrent sur le dallage et les caveaux à la recherche d’une chambre secrète.
Les dégâts sont considérables car pouvant nuire à la stabilité du monument. Un puits profond fut creusé à hauteur de la chambre principale. Des pierres du mur furent arrachées pour permettre le creusement d’une excavation horizontale vers l’intérieur du monument.
Il n’en reste pas moins que le monument de Beni Rhénane occupe une place intermédiaire entre les monuments circulaires –qui semblent puiser leur inspiration dans les pyramides d’Egypte- et les monuments à étages qui -peut-être par l’intermédiaire des tombeaux de Sicile comme celui de Thénon ou comme les tombeaux princiers du Moyen-Orient- s’inscrivent dans la série des tombeaux imités, de près ou de loin, de celui d’Halicarnasse : tombeau de Mausole, satrape perse mort en 353 av. J.-C. (d’où le nom de mausolée). Ce tombeau ayant été, rappelons-le, la cinquième des sept merveilles du monde. Halicarnasse est aujourd’hui la ville de Bodrum, au sud-ouest de la Turquie.
Association Aasppa_Athar bullletin n°9 en collaboration avec Zoheir Belkeddar.