En 1895, la France acheva la colonisation de Madagascar en renversant la reine Ranavalona III, exilée ensuite à Alger avec sa cour. Tandis que la souveraine déchue trouvait refuge en Algérie, 5 693 Algériens furent envoyés comme convoyeurs à Madagascar. En un an, 2 344 d’entre eux périrent, victimes des conditions inhumaines imposées par la campagne coloniale.
Un recrutement sous le signe de la misère
Pour enrôler les 5 693 Algériens, l’administration coloniale leur proposa une prime initiale de 100 francs qu’ils laissaient à leurs familles. Dans un contexte de pauvreté extrême, cette somme représentait une planche de salut pour de nombreuses familles. En plus de la prime initiale, les recrues se voyaient promettre une rémunération journalière d’un franc, portée à 1,50 franc si la campagne excédait six mois. La nourriture, bien que rudimentaire, était aussi incluse dans les « avantages ». Mais ces promesses, si séduisantes sur le papier, ne compensaient en rien les conditions de vie et de travail épouvantables qui attendaient les convoyeurs à Madagascar.
Une mission harassante et des conditions inhumaines
Les convoyeurs avaient pour tâche d’acheminer artillerie, équipements, et vivres sur 600 km, entre Majunga et Tananarive, dans des « Voitures Lefebvre » tirées par des mulets, eux-mêmes importés d’Algérie. Pieds nus, vêtus de haillons et nourris d’un maigre régime de riz et de sel, ils furent confrontés à des maladies tropicales dévastatrices telles que le paludisme et la dysenterie.
La campagne, qui dura neuf mois, se déroulait dans des conditions extrêmes : marécages infestés, chaleurs accablantes, et terrains escarpés. Ces épreuves furent fatales pour près de la moitié d’entre eux : en un an, 2 344 convoyeurs étaient morts ou portés disparus.
Des pertes humaines effroyables
Les rares survivants revinrent à Alger, épuisés, affamés et porteurs de germes tropicaux. Loin d’être accueillis en héros, ils furent parqués dans des camps insalubres, notamment au pénitencier militaire de Birkhadem et à Cap Matifou, sous prétexte de contenir une éventuelle épidémie.
Le sort des convoyeurs algériens à Madagascar est une illustration poignante de l’exploitation coloniale. Ces hommes, réduits à des instruments d’un impérialisme oppressif, ont payé un lourd tribut dans une guerre qui n’était pas la leur. Leur histoire mérite aujourd’hui d’être reconnue comme un témoignage de la brutalité et de l’injustice du système colonial.
Rym Maiz
Sources : Les convoyeurs algériens dans la campagne de Madagascar 1895, de Mustapha Hadj Ali