La maison « Dar Bengui » se trouve au cœur de la médina, dans une impasse (anciennement impasse Joseph), à côté de la Zaouia soufie appellée Zaouiate Sidi Khlief.
Présentation
Selon nos sources, cette maison d’époque ottomane appartenait à El Haj Omar Bengui, suite à son mmariage avec la fille de Mostefa Ben Karim. Cette dernière était une notable de la famille Be, Kara Ali une famile d’origine Turque, proche du Bey Brahim El Greitli (l’avant dernier Bey de Constantine de l’Empire Ottoman). Leur fils, Slimane Bengui, était manufacturier de tabac, au coeur de la médina.
En 1893, Slimane Bengui devient directeur du premier journal algérien de langue française, « El Hack » (« La Vérité », en arabe), après l’avoir créé avec ses amis bônois : Omar Samar, premier romancier et journaliste algérien de langue française, et Khelil Caïd Layoun clerc de notaire. Journal hebdomadaire, dont certaines éditions furent publiées également en langue arabe, El Hack menait un combat à la fois culturel et politique pour défendre les valeurs de la population musulmane colonisée. Jugé rebelle, l’administration française l’interdit en 1894.
La maison se démarque du reste des constructions avoisinantes par l’encorbellement du balcon. Porté par trois voûtes appuyées sur des corbeaux, il est typique dans la médina de Bouna.
A l’entrée de la maison, sous la corniche, on peut trouver une belle inscription sur marbre à caractère spirituel, datant de juin 1889. Elle est signée El Haj Slimane, fils du Haj Omar Bengui.
كُلُّ مَنْ عَلَيْهَا فانٍ . وَيَبْقَى وَجْهُ رَبِّكَ ذُو الْجَلالِ وَالإكْرَامِ
ومن يجاور الاولياء و الصالحين يكون غدا إن شاء الله من السالمين
هذي دار الإرتحال و الإعتماد على دار القرار
في شوال سنة ١٣٠٦
كتب الحاج سليمان ابن الحاج عَمر بنقي
Traduction approximative :
Tout ce qui est sur la Terre est périssable, seule perdurera la Face de ton Seigneur, auréolée de majesté et de gloire.
Celui qui habite à proximité des bien-aimés et des gens de bien, demain il sera inchallah en sécurité.
C’est la demeure du voyage et de l’assurance envers de l’au-delà.
Mois de chawal, 1306.
Ecrit par El Haj Slimane fils du Haj Omar Bengui
Son architecture intérieure
L’architecture de la maison s’inspire de la s’raya familiale des Bengui, située à côté du Hammam El caïd.
Les planchers sont en bois, avec des faux-plafonds en lattis de roseaux, et les sols en marbre importé d’Italie. Les chambres sont multicolores et les garde-corps en bois. A l’entrée, on peut trouver un banc construit pour le chaouch (portier).
Le patio
Le sol du patio est recouvert de marbre de carrare, tout comme les colonnes ; les murs sont recouverts de faïence bleue et blanche, à une hauteur de 1 m. On y trouve également un puits d’eau.
Les arcs
Les arcs brisés outrepassés avec des tirants sont de style hispano-mauresque. Au rez-de-chaussée, les arcades sont décorées par les étoiles d’Andalousie et encadrées par une faïence bleue et blanche. On remarque cependant que leurs compositions sont contrastées, entre le rez-de-chaussée et l’étage.
Les chapiteaux
Les colonnes en marbre sont couronnées par des chapiteaux de style ottoman, d’une beauté exceptionnelle : la finition est remarquable. Le chapiteau est composé, à sa base, d’une astragale arrondie. Un croissant remplace la traditionnelle fleur d’abaque et symbolise l’empire ottoman ; sur le même axe, en dessous, une fleur à 5 pétales, représentant peut-être les cinq piliers de l’islam ; enfin, des cornes d’angle en crosse reposent sur quatre feuilles d’acanthe.
Au niveau de la toiture terrasse, on trouve les traces d’un cadran solaire.
Aujourd’hui, la maison connaît de sérieux signes de dégradation et de vieillissement : les locations de longue durée se succèdent, sans réhabilitation profonde malheureusement.
Contribution envoyée par : Riad Slimani Architecte et fondateur du site Annaba patrimoine
Références :
- Livre « Histoire de Constantine » d’Ernest Mercier.
- Article « Presse et journalistes indigènes en Algérie coloniale (années 1890-années 1950) », paru dans la revue Le mouvement social, numéro 236, juillet-septembre 2011.
- Article « Autour de Omar Samar », paru dans le journal La Nouvelle République du 27 octobre 2008.
- Livre « Annaba. 25 siècles de vie quotidienne et de luttes, tome II » de H’sen Derdour.