Plus de vingt cinq ans auparavant, à des moments très difficiles de l’Algérie, des hommes et des femmes du monde des arts et des lettres menaient un réel combat contre l’intégrisme religieux, l’obscurantisme et la violence qui menaçaient de détruire tout les fondamentaux de la société algérienne pour que l’Algérie, son peuple et sa culture perdurent et ce, juste en continuant à vivre, à produire et à créer même quand personne n’avait le courage d’en profiter ou de s’y intéresser.
Parmi les géants de la culture algérienne, une figure familière à tous les algériens, un comédien qui, sans le vouloir, exprimait déjà sur les planches du quatrième art, le désarroi profond qu’on ne pouvait que percevoir à l’époque.
Cet enfant terrible des planches qui a réussi à marquer même les générations qui ne l’ont jamais connu, a su graver son nom sur les planches des théâtres algériens, grâce à son talent, son amour pour le théâtre, mais surtout son dévouement. Azzeddine reste gravé dans le cœur et l’esprit de trois générations d’algériens, jusqu’à ce que la main de l’obscurantisme et de la barbarie lui arrache la vie et ainsi, l’arrache à son public, à ses planches, à sa passion.
C’est sur les marches du Théâtre national algérien, dont il assurait le direction et la survie, qu’il rendit son dernier souffle, le 13 février 1995.
En moins d’une année les deux monstres sacrés du théâtre algérien contemporain, Azzeddine Medjoubi et Abdelkader Alloula (assassiné en mars 1994), avaient été assassinés, laissant derrière eux des familles inconsolables, un vide impossible à combler, un sentiment de terreur pour ceux qui seraient tenté de commettre encore ce délit de créer.
Né le 30 octobre 1945 à Azzaba, pas loin de Skikda, Azzeddine Medjoubi avait intégré le Conservatoire d’Alger en 1963, encouragé par le comédien et metteur en scène Ali Abdoun, qui a toujours œuvré dans le domaine du théâtre populaire et du théâtre amateur, avant de faire ses premiers pas à la radio et à la télévision.
A la demande de Mustapha Kateb, il rejoint le Théâtre national algérien dès 1965 où il crée et chapeaute, pendant trois ans, une troupe relevant de l’Union national de la jeunesse algérienne avant de retourner à la Rta qui le charge de l’adaptation de textes. Son amour pour le théâtre lui fit garder un pied sur les planches en prenant sous son aile deux troupes de théâtre amateur de Saïda.
A la télévision, Azzeddine Medjoubi avait joué dans «Journal d’un jeune travailleur», «Crime et châtiments», «La Grande Tentative», «La Clef» et «El-Tarfa». Il fera également des apparitions remarqué dans le cinéma notamment avec le réalisateur Mohamed Chouikh.
Il crée avec Ziani Cherif Ayad, Sonia et Mhammed Benguettaff, la troupe indépendante «El-Qalâa» (La Citadelle) où il a été distribué dans «El-Ayta» (1988), «Hafila Tassir» (nouvelle version, 1990) et «Hassaristan » (1991).
Il quitte la troupe El-Qalâa, en 1993, et met en scène pour le compte du Théâtre régional de Batna, « Âalem El-Bâaouche » qui obtient un prix au Festival international de Carthage et en 1994 pour le compte du théâtre régional de Béjaïa, il monte la pièce El-Houinta (La Boutique).
En décembre 1994 il est nommé directeur du Théâtre National algérien avant de ne laisser que son souvenir et celui de son inégalable interprétation et adaptation dans «Hafila Tassir» ou dans «Galou laareb», gravées dans les mémoires des algériens.
Aujourd’hui le théâtre régional de Annaba porte le nom de Azzeddine Medjoubi, quelques comédiens du théâtre de Batna porte en eux un peu de son génie, la télévision nationale diffuse à l’occasion l’enregistrement de Hafila Tassir mais l’essence de Medjoubi, son jeu de comédien, sa voix qui faisait trembler le théâtre et son expression plus évocatrices que le texte, ne brille que très rarement sur les planches du théâtre.
Mohamed Rafik.
Photographie : Halim Zenati