Le bains de la mariée, hammâmâ el-‘aroûsa

Le rituel du bain et la mise en beauté de la mariée forment une coutume très féminine que l’on s’oblige à suivre dans le détail, bien que des variantes peuvent exister en fonction des familles et des régions. Prenons l’exemple du rituel algérois, et découvrons ensemble cette très jolie coutume. 

Le jour convenu du bain, tout un cortège de femmes à pied suivent la fiancée en direction du hammâm, entièrement réservé par la famille, pour l’occasion. La jeune femme est couverte de la tête au pied, d’un long voile de soie. Durant ce trajet, les enfants joyeux, remuants, tentent vainement, par d’innocentes espiègleries de voir le visage de la’roûsa. Ils passent, repassent, sautillent, peine perdue! Ils ne verront pas son visage! 

Le cortège féminin progresse dans les ruelles et, depuis la demeure de la jeune mariée, jusqu’au hammâm, on l’entend sans arrêt pousser des youyous, et chanter le taqdâm.

Les tayyâbat el-hammâm, accompagnées d’un ou deux porteurs sont également du cortège. Elles aident au transport des ballots de vêtement et d’accessoires de bain, mais aussi d’un mahbas (un grand et profond pot en cuivre ciselé) contenant une tâsa et des produits de soin pour le corps. On n’oublie pas non plus el marâyak (réunion de cinq ou six récipients superposés contenant des produits de bain et de beauté). Enfin, la sâppa (petite malle en osier et constituant l’objet féminin par excellence), servira à entreposer et à transporter les grandes et petites serviettes, une b’nîqa (bonnet de sortie de bain, délicatement travaillé et bordé de longues franges), du parfum, un miroir et tout ce qui sera nécessaire au nettoyage et embellissement du corps et visage.

A l’entrée du hammâm, la future mariée est accueillie avec beaucoup de courtoisie par la patronne du lieu : moulat el-hammâm, et sera aussitôt prise en charge par la mâchta, la coiffeuse, et par la nâdhra qui participera au maquillage. On l’aide à se préparer, à prendre son bain, et à tenir serré contre elle une foûta tissée de soie rose à rayures. On allume plusieures bougies de différentes couleurs, que tiendront avec précaution des jeunes filles, ravies d’avoir été choisies pour l’importante mission.

Dès que la mariée pénètre dans la salle chaude du bain, des invocations et des chants s’élèvent, des youyous fusent par séries, dans la pénombre moite, que percent les rayons de la lumière, filtrée par les petites lucarnes de la grande voûte.

Les tayyâbât qui se chargent de s’occuper du corps de la future épousée, la conduisent d ‘abord devant une haute estrade : doukkâna, surmontée d’une dalle grise. La mariée est invitée à s’y allonger pour se détendre, et se réchauffer dans la moiteur des vapeurs parfumées.

Peu après, on la masse longuement, délicatement, puis on l’emmène vers un réduit individuel très intime, éclairé par une petite lumière, et ou se trouve un bassinet d’eau. On la mouille abondamment, afin de frotter son corps et de le débarrasser de la peau morte à l’aide de la kâsa (gant de crin).

On utilise avec charme et attention, tour à tour, tous les produits de bain qui ont été apportés : çâboûn  ed-dzâïr (savon d’Alger), appelé aussi çâboûn el-m’selmîn (savon des musulmans), et-t’fal (terre argileuse brune), el-hadjra es-çafra (arsenic jaune), el-djir (chaux vive), zaït ez-zaîtoûn (huile d’olive) qui entre dans la composition de la pâte dépilatoire, si l’on n’a pas appliqué la fameuse cire de sucre… Enfin, elle aura reçu tous les soins indispensables à son corps.

Pendant tout ce temps, on chante, on évoque Dieu et les « saints »de la Casbah, et l’on fait vibrer les youyous jusqu’à la fin du rituel. Après avoir été lavée, épilée, parfumée, la jeune mariée toute rose et rayonnante, est emmitouflée dans des draps de bain rose, et sa tête couverte d’une b’nîqa. On l’aide par la suite, à regagner la salle de repos, sous les youyous renouvelés,  les incantations émouvantes et les bénédictions de ses proches. 

Pour marquer la fin de la cérémonie, on distribue aux invités de la citronnade, des fruits, et des kou’aïka’ât (gâteaux secs en forme de petits anneaux), tandis que la mâchta, aidée de a nâdhra, terminent l’embellissement de la jeune mariée.

 La coutume du bain de la mariée, nous renseigne sur le processus de la mise en beauté de la future épousée, il existe cependant des variantes, et des pratiques différentes du cérémonial.

hammâmât el-‘aroûsa : les bains de la mariée

Dans cette coutume, nous allons voir que la mariée doit se rendre trois fois au hammâm, avant sa nuit de noces.

Ainsi, après avoir faire le choix des trois jours de bain, on loue tout spécialement le hammâm habituel, pour le troisième jour, celui que l’on nomme « hammâm el-‘aroussa ». Le bain tout entier avec sa nâdhara, et ses meilleures préposées : tayyâbât el hammâm, et à l’exclusion de toutes autres clientes, est réservé à cet événement, auquel ne sont invitées que les proches et deux ou trois dames amies de la famille. Se joignent à elles, deux ou trois ‘aouîtqâte (jeunes filles), intimes de la fiancée. Elles sont reconnaissables à leurs cheveux tombant en tresse (dh’fâyer), ou tirés en arrière, réunis et entourés d’un ruban (qardoûn), formant une queue de cheval.

Le bain de la mariée est un moment magique qui prépare à la séduction, c’est la raison pour laquelle il se déroule en privé, et pour les jeunes (ou moins jeunes) femmes, ayant pour habitude de s’incruster à ce cérémonial, l’on réserves ces paroles très insinuantes : « flâna m’a koul ‘roûssa t’harqass » (une telle se fait le harqous avec chaque mariée). De plus, cette réservation du bain prénuptial, sert à prévenir de tout signe de mauvais augure, et qui pourrait être fatal, si par malheur, deux jeunes femmes venaient à accomplir le bain de la mariée, en même temps, et au même endroit.

Durant la présence des femmes au bain, la gérante de l’établissement fait accrocher en haut de la porte d’entrée, un petit rideau l-lîzayyar, de couleur, pour signaler que l’accès est momentanément interdit aux hommes.

Au cours du premier bain, la jeune fille s’y rend seul avec ses parents, et ne doit s’y laver qu’avec du savon. Au deuxième bain, elle s’épile et se teint la chevelure en noir brillant, ainsi que les sourcils avec un composé de noix de galle carbonisées et pulvérisées auxquelles on ajoute un peu d’antimoine. Certaines filles se teignent la chevelure et les sourcils simplement avec du henné. 

Le troisième bain, est dit « hammâm el-wâchy« , c’est-à-dire le bain d’embellissement. La mariée se lave soigneusement le corps, afin de le préparer à recevoir au cours de la nuit du hénné, le wâchy, une sorte de ouachm : tatouage au henné.  Cet ornement s’obtient en faisant des rouleaux du henné en pâte que la ouachâma (la femme qui tatoue) place sur des feuilles de papier, de manière à obtenir des dessins géométriques et des arabesques.  Pourtant dans certaines familles, on ne suit pas cette pratique du wâchy, pas plus que celle des trois bains. Il est en effet plus courant que le hammâm de la mariée, hammâm el-‘aroûssa ait lieu une seule fois, et peu de jour avant la nuit de noce.

Mira B.G

 

Sources : 

  1. Textes tiré du livre « El qaçba Zmen », K. Mhamsadji
  2. Illustration : peinture de Jules Van Biesbroeck : « L’entrée du bain maure« .

 

 

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